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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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me paraissait plaisante. Mais
quand je lui aurai baillé deux petits soufflets, il ira soudain se réveillant,
ayant tout oublié de ce que nous aurons dit.
    — D’ailleurs, je n’y mets pas
malice, dit Gertrude avec un soupir. Certes, je ne suis pas d’âge encore à être
sa mère, mais je l’aime tout quasi mon enfant. Monsieur de Siorac, devant que
vous le réveilliez, peux-je le baiser sur les joues ?
    — Sur les lèvres, Madame !
Sur les lèvres ! Telle est l’usance en notre Périgord !
    L’œil marron de Miroul pétilla de
plus belle à ce mensonge joyeux, et la dame, se penchant, baisa Samson ainsi
que je l’avais dit. À quoi, à mon grand étonnement, Samson ne montra ni
résistance, ni répugnance, ne voyant rien, peut-être, à blâmer à cette caresse
qu’on lui donnait comme maternelle et qu’il recevait, pourtant, pour la
première fois de sa vie.
    Je donnai la main à Dame Gertrude du
Luc pour se relever, mais elle s’y appuya à peine pour se mettre sur pied, tant
souple et vigoureuse était cette haute dame. Elle portait à sa ceinture, outre
sa gourde, un fort poignard joliment damassé, dont je gage qu’elle savait bien
se servir, et dans les fontes de sa selle, deux pistolets. Sa monture n’était
point d’ailleurs une quelconque haquenée, mais une forte jument baie, sur
laquelle elle se jucha sans mon aide, en un battement de cil. Puis me faisant
un salut du chef, l’air quelque peu ému, confus et vergogné, elle piqua, et
rejoignit le gros de la troupe.
    Dès qu’elle fut hors d’ouïe, je me
pris, les mains aux hanches, à rire à gueule bec, et Miroul aussi.
    — Allons, mon frère, dis-je à
Samson, ouvrez l’œil ! Relevez-vous ! Foin de cette langueur !
Vous êtes-vous assez ococoulé contre ce doux parpal ? Et ne vous a-t-on
pas poutouné à ravir ?
    Et me tournant vers Miroul,
j’ajoutai :
    — La ruse a fait
merveille ! La vertu de cette bonne dame est maintenant tout intéressée à
conter que notre Samson se trouve dans un grand pâtiment. Sans cela, eût-elle
pris avec lui toutes ces libertés ?
    — Quelles libertés ? dit
Samson qui, de sa vie n’avait été par garce tant approché ni caressé.
N’a-t-elle pas dit qu’elle me tenait pour son enfant ? Et n’était-elle pas
bien bravette à me bailler de son vin ? Quant à ses propos de miel,
poursuivit-il en se levant, ils me ramentevaient Barberine.
    Quoi dit – qui n’était
peut-être pas dit aussi innocemment qu’à l’accoutumée –, il se remit en
selle, et tout le reste de la chevauchée, se tint le visage penché sans
prononcer un traître mot, tout songeur et rêveux.
    Comme nous piquions tous trois pour
rejoindre la queue de la troupe, vint à notre rencontre, galopant à brides
avalées, en nuée de poussière, le page Rouen.
    — Monsieur le Baron, cria-t-il
du plus loin, vous fait demander s’il est constant que votre frère est
mort !
    — Ainsi, dis-je en riant,
chemine la vérité d’un bout à l’autre de notre colonne, grossissant
démesurément de la queue à la tête. Galope rassurer le Baron, gentil page.
Voici mon frère, droit sur sa monture.
    Il était bien droit, en effet, mais
ne battait pas un cil, et ne disait mot, plongé dans un grand pensement.
    — Mais est-il en vie
néanmoins ? dit Rouen, se testonnant les cheveux de ses doigts et l’œil
quasi sorti de l’orbite.
    — Tu le vois !
    — Mais n’est-ce pas son fantôme
que je vois ?
    — Miroul, dis-je, c’est
merveille ! Tu observes ici toute la force d’un conte : On doutait
que Samson eût la fièvre. On va douter maintenant qu’il est vif.
     
    *
    * *
     
    On coucha ce soir-là à Carcassonne,
splendide ville bien remparée et tant bien défendue par ses tours et ses
courtines que nos huguenots, comme on sait, s’y cassèrent les dents quand ils
voulurent s’en saisir. Cependant nos pèlerins n’y purent demeurer au-delà d’une
nuit, ni le gîte, ni la chair, ni les chambrières n’étant au goût de Caudebec.
    Dès le lendemain, après qu’on eut
pris le temps de quérir un maréchal et de faire referrer quelques-uns des
chevaux (car ces Normands étaient bons ménagers de leurs montures et veillaient
à leurs jambes, et aussi à ce qu’au gîte elles fussent bien étrillées et
pansées par les valets), on reprit le chemin de Narbonne.
    Le Baron ne souffrait pas qu’un seul
cavalier le précédât, craignant d’avaler la poussière de qui trotterait

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