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En Nos Vertes Années

En Nos Vertes Années

Titel: En Nos Vertes Années Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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ces gentilshommes, montre-leur donc
leurs chambres !
    La pensée d’abord me fit peine que
le maître apothicaire eût prévu des pièces séparées pour Samson et moi-même,
tant nous étions accoutumés à loger ensemble et dormir en même lit, mais tandis
que je suivais l’accorte chambrière dans l’escalier, observant que mon œil ne
se détachait pas volontiers de son joli dos, je m’avisai que cet arrangement
des chambres ne serait peut-être pas des pires.
    — Voici où vous logerez,
Moussu, dit Fontanette à Samson avec un charmant sourire. Vous plaît-il que je
vous aide à retirer vos bottes ?
    — Mon valet le fera, dit Samson
du ton le plus bref, et sans même l’envisager. Et tant il avait hâte d’être
seul, il ferma tout soudain la porte sur lui, et je l’entendis qui se jetait
lourdement sur son lit pour y reprendre le cours interrompu de ses rêveries.
    J’eusse été fort peiné de voir Samson
si maloneste avec la pauvre mignote si je n’avais su ce qu’il en était.
Ha ! La puissance d’un petit calibrys sur l’homme ! Dès que sur lui
piège de chair se referme, le voilà, en si douce place, pipé et englué. Tout
suit, et le cœur, et la tête. Du moins n’avais-je pas à craindre que Dame
Gertrude mésusât de son pouvoir sur Samson, étant elle-même en semblable
dépendance de lui.
    — Voilà votre chambre, Moussu,
dit Fontanette, assez marrie de la rebuffade de Samson, et n’osant proposer
plus outre ses services.
    — Entre, dis-je en m’asseyant
sur le lit et en lui baillant un sourire. Pour moi, j’accepterais volontiers
ton aide, si tu me l’offres aussi.
    — De tout cœur, Moussu, dit la
drolette en s’agenouillant à mes pieds de la façon la plus gracieuse.
    En outre, sa posture me donnait des
vues sur son corps de cotte lequel était lacé lâche pour non point opprimer son
contenu. Elle ajouta :
    — Plus me plaisez que Moussu
votre frère, combien qu’il soit plus joli. Vous êtes moins fier.
    — Mais Samson n’est pas fier,
dis-je, l’œil fixé sur son parpal qui, dans l’effort qu’elle faisait pour me
tirer mes bottes, allait, venait, ne restait jamais en repos. Samson est pour
une dame dans un grand pensamor, et c’est ce qui le rend si rêveux et si roide.
    — Et cette dame vilainement le
rebèque ? dit Fontanette, son œil vif et brun fort intéressé.
    — Non pas, mais elle est loin,
chevauchant sur les chemins du monde.
    — Ha ! dit Fontanette avec
un soupir, c’est grande pitié d’aimer qui n’est pas là et de n’embrasser que le
vent. Et vous-même, Moussu, êtes-vous pour quelque drola de votre pays dans un
grand pensamor ?
    Je la considérai, mi-riant,
mi-atendrézi, tant je la trouvai jolie, proprette, et sous le regard fondante
comme beurre.
    — Je ne saurais dire encore,
Fontanette, dis-je enfin. Je ne te connais pas assez.
    — Ha Moussu ! dit-elle en
rougissant. Vous vous gaussez ! Vous qui serez Baron un jour, vous
enticher d’une chambrière !
    — Je ne serai mie Baron,
Fontanette. Je suis cadet. C’est pourquoi il me faut étudier.
    — Et vous serez un jour un
grand savant, Moussu, dit-elle en se relevant, tout comme Maître Sanche ou le
Bachelier Fogacer. Et moi-même, plus ignorante que pauvre chèvre en étable.
    — Je ne regarde pas à cela,
dis-je et, m’approchant, je lui posai les deux mains sur les hanches et la
baisai sur ses joues fraîches.
    — Ha Moussu ! dit-elle en
se dégageant, c’est aller bien vite ! Si vous me poutounez ce jour, que
ferez-vous demain ?
    Je ris à gueule bec de cette naïve
saillie, et riant aussi, elle me dit :
    — Plaise à vous, Moussu, que je
m’ensauve. Je dois servir en bas.
    Las ! Ce premier repas chez
Maître Sanche ! Maigre souper ! Petite chère ! Chétives
viandes ! Certes, en mon Mespech natal, l’économie huguenote était sévère,
on n’y bâfrait pas à tas, comme dans les châteaux catholiques du Sarladais où
se gaspillait tant de bonne et belle chair que le domestique, en ayant lui-même
bien au-dessus du gargamel, jetait presque tout aux chiens. Sans tomber dans
ces blâmables dépenses, mon père et Sauveterre n’étaient pas hommes à rogner
sur la subsistance. Pot et rôt, pain et vin, lait et beurre, tout était chez
nous en quantité bien suffisante, et pour tous, maîtres et gens. En outre,
quiconque à Mespech était saisi, dans le courant du jour, entre dîner et
souper, d’un grand vide d’estomac, pouvait

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