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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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Siméon exhiba d'autres élèves, des cochons avec des oreilles en pavillon de trompe et des queues en tire-bouchons, des truies dont les ventres traînaient et dont les pattes semblaient à peine sorties du corps, des nouveau-nés qui pillaient goulûment la calebasse des pis, et d'autres plus grands qui jouaient à se poursuivre et se roulaient dans la boue, en reniflant.
    Durtal lui fit compliment de ses bêtes et le vieillard jubila, s'essuya, avec sa grosse main, le front ; puis, sur une question de l'oblat s'informant de la portée de telle truie, il têtait ses doigts à la file ; répondait à cette réflexion que ces animaux étaient vraiment voraces, en tendant les bras au ciel, en indiquant les baquets vides, en enlevant des bouts de bois, en arrachant des touffes d'herbes qu'il portait à ses lèvres, en grouinant comme s'il avait le museau plein.
    Puis il les conduisit dans la cour, les rangea contre le mur, ouvrit, plus loin, une porte et s'effaça.
    Un formidable verrat passa tel une trombe, culbuta une brouette, fit jaillir tout autour de lui, ainsi qu'un obus, des éclats de terre ; puis il courut au galop, en rond, tout autour de la cour et finit par aller piquer une tête dans une mare de purin. Il s'y ventrouilla, s'y retourna, gigota, les quatre pattes en l'air, s'échappa de là, noir, sale de même qu'un fond de cheminée, ignoble.
    Après quoi, il se mit en arrêt, sonna joyeusement du groin et voulut aller caresser le moine qui le contint, d'un geste.
    - Il est magnifique votre verrat ! dit Durtal.
    Et le convers regarda Durtal avec des yeux humides ; et il se frotta le cou avec la main, en soupirant.
    - Cela signifie qu'on le tuera prochainement, dit l'oblat.
    Et le vieux acquiesça d'un hochement douloureux de tête.
    Ils le quittèrent, en le remerciant de sa complaisance.
    - Quand je songe à la façon dont cet être, qui s'est voué aux plus basses besognes, prie dans l'église, ça me donne envie de me mettre à genoux et de faire, ainsi que ses pourceaux, de lui baiser les mains ! s'écria Durtal après un silence.
    - Le frère Siméon est un être angélique, répliqua l'oblat. Il vit de la vie unitive, l'âme ensevelie, noyée dans l'océan de la divine essence. Sous cette grossière enveloppe, dans ce pauvre corps, réside une âme sans péchés ; aussi, est-il bien juste que Dieu le gâte ! Il lui a, ainsi que je vous l'ai dit, délégué tout pouvoir sur le démon ; et, dans certains cas, il lui concède également la puissance de guérir, par l'imposition des mains, les maladies, il a renouvelé ici les guérisons miraculeuses des anciens Saints.
    Ils se turent, puis prévenus par les cloches qui sonnaient les Vêpres, ils se dirigèrent vers l'église.
    Et, revenant alors sur lui-même, tentant de se récupérer, Durtal demeura stupéfait. La vie monastique reculait le temps. Il était à la Trappe depuis combien de semaines et il y avait déjà combien de jours qu'il s'était approché des Sacrements ? cela se perdait dans le lointain : ah ! l'on vivait double, dans les cloîtres ! - Et, pourtant, il ne s'y ennuyait pas ; il s'était aisément plié au dur régime et, malgré la concision des repas, il n'avait aucune migraine, aucune défaillance ; il ne s'était même jamais si bien porté ! - mais ce qui persistait, c'était cette sensation d'étouffement, de soupirs contenus, cette ardente mélancolie des heures et, plus que tout, cette vague inquiétude d'entendre enfin en soi, d'y écouter les voix de cette Trinité, Dieu, le Démon et l'homme, réunie en sa propre personne.
    Ce n'est pas la paix rêvée de l'âme - et c'est même pis qu'à Paris, se disait-il, en se rappelant l'épreuve démentielle du chapelet - et, cependant - expliquez cela, l'on est, quand même, heureux ici !
    q

Chapitre 5
    L evé de meilleure heure que de coutume, Durtal descendit à la chapelle. L'office de matines était terminé, mais quelques convers, parmi lesquels se trouvait le frère Siméon, priaient, à genoux, sur le sol.
    La vue de ce divin porcher jeta Durtal dans de longues rêveries. Il essayait vainement de pénétrer dans le sanctuaire de cette âme cachée comme une invisible chapelle derrière le rempart en fumier d'un corps, il ne parvenait même pas à se figurer les aîtres si adhésifs et si dociles de cet homme qui avait atteint l'état le plus élevé auquel, ici-bas, la créature humaine puisse prétendre.
    Quelle force de prières il possède ! Se

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