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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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ne sait rien de ce que nous connaissons et il sait ce que tout le monde ignore ; son éducation est faite par le seigneur même qui l'instruit de ses vérités incompréhensibles pour nous, qui lui modèle l'âme avec du ciel, qui s'infond en lui et le possède et le déifie dans l'union de Béatitude !
    Cela nous met un peu loin des cagots et des dévotes, aussi loin, du reste, qu'est le catholicisme moderne de la mystique, car décidément cette religion est aussi terre à terre que la mystique est haute !
    Et c'est vrai cela. - Au lieu de tendre de toutes ses forces à ce but inouï, de prendre son âme, de la façonner en cette forme de colombe que le Moyen Age donnait à ses pyxides, au lieu d'en faire la custode où l'hostie repose dans l'image même du Saint-Esprit, le catholique se borne à tâcher de cacher sa conscience, s'efforce de ruser avec le juge, par crainte d'un salutaire enfer ; il agit non par dilection mais par peur ; c'est lui qui, avec l'aide de son clergé et le secours de sa littérature imbécile et de sa presse inepte, a fait de la religion un fétichisme de Canaque attendri, un culte ridicule, composé de statuettes et de troncs, de chandelles et de chromos ; c'est lui qui a matérialisé l'idéal de l'amour, en inventant une dévotion toute physique au Sacré-Coeur !
    Quelle bassesse de conception ! continuait Durtal qui était sorti de la chapelle et errait sur les bords du grand étang. Il regarda les roseaux qui se courbaient comme une moisson encore verte, sous un coup de vent ; puis il entrevit, en se penchant, un vieux bateau qui portait, sur sa coque bleuâtre, le nom presque effacé de l'Alleluia; cette barque disparaissait sous des touffes de feuilles autour desquelles s'enroulaient les clochettes du volubilis, une fleur symbolique, car elle s'évase, telle qu'un calice, et elle a la blancheur mate d'une oublie.
    La senteur tout à la fois câline et amère des eaux le grisait. Ah ! Se dit-il, le bonheur consiste certainement à être interné dans un lieu très fermé, dans une prison bien close, où une chapelle est toujours ouverte ; et il reprit : tiens, voici le frère Anaclet ; le convers s'avançait, courbé sous une banne.
    Il passa devant Durtal, en lui souriant des yeux ; et, tandis qu'il continuait sa route, Durtal pensa : cet homme est pour moi un sincère ami ; quand je souffrais tant, avant de me confesser, il m'a tout exprimé dans un regard. Aujourd'hui qu'il me croit plus rasséréné, plus joyeux, il est content et il me le déclare dans un sourire ; et jamais je ne lui parlerai, jamais je ne le remercierai, jamais même je ne saurai qui il est-jamais je ne le reverrai peut-être !
    En partant d'ici, je conserverai un ami pour lequel je sens, moi aussi, de l'affection ; et aucun de nous n'aura même échangé avec l'autre un geste !
    Au fond, ruminait-il, cette réserve absolue ne rend-elle pas notre amitié plus parfaite ; elle s'estompe dans un éternel lointain, reste mystérieuse et inassouvie, plus sûre.
    Tout en se ratiocinant ces réflexions, Durtal se dirigea vers la chapelle où l'appelait l'office et, de là, il se rendit au réfectoire.
    Il fut surpris de ne trouver qu'un seul couvert sur la nappe. Qu' est-il arrivé à M. Bruno ? - voyons, je vais quand même un peu l'attendre, songea-t-il ; et, pour tuer le temps, il s'amusa à lire un tableau imprimé qui était pendu au mur.
    C'était une sorte d'avertissement qui débutait ainsi :
    Eternité ! "Hommes pécheurs, vous mourrez. - Soyez toujours prêts." "Veillez donc, priez sans cesse, n'oubliez jamais les quatre fins que vous voyez, ici, tracées :" "La Mort qui est la porte de l'Eternité," "Le Jugement qui décide de l'Eternité," "L'Enfer qui est le séjour de la malheureuse Eternité," "Le Paradis qui est le séjour de la bienheureuse éternité."
    Le P. Etienne interrompit Durtal, en lui annonçant que M. Bruno était allé à Saint-Landry, afin d'y effectuer quelques achats, et qu'il ne reviendrait que pour le coucher, à huit heures ; dînez donc sans plus tarder et dépêchez-vous, car tous les plats vont être froids.
    - Et comment se porte le père abbé ?
    - Doucement ; il garde encore la chambre, mais il espère pouvoir, après-demain, descendre un peu pour assister au moins à quelques-uns des offices.
    Et le moine salua et disparut.
    Durtal se mit à table, mangea d'une soupe à l'eau de fèves, avala un oeuf mollet, une cuillerée de fèves tièdes et

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