Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
Vom Netzwerk:
commis ; ainsi qu'une lamentable Danaïde, intarissablement, elle versera l'offrande de ses mortifications et de ses prières, de ses veilles et de ses jeûnes, dans la tonne sans fond des offenses et des fautes ! Ah ! réparer les péchés du monde, si vous saviez ce que c'est ! - Tenez, je me rappelle, à ce propos, qu'un jour l'abbesse des bénédictines de la rue Tournefort me disait : comme nos larmes ne sont pas assez saintes, comme nos âmes ne sont pas encore assez pures, Dieu nous éprouve dans notre corps. Il y a, ici, des maladies longues et dont on ne guérit pas, des maladies que les médecins renoncent à comprendre ; nous expions pour les autres beaucoup ainsi.
    Mais si vous recensez la cérémonie de tout à l'heure, il ne sied pas de vous attendrir devant elle outre mesure et de la comparer au spectacle connu des funérailles ; la postulante que vous avez vue n'a pas encore prononcé les voeux de sa profession ; elle peut donc, si elle le désire, se retirer du couvent et rentrer chez elle. A l'heure présente, pour la mère, elle est une fille exilée, une fille en pension, mais elle n'est pas une fille morte !
    - Vous direz ce qui vous plaira, mais cette porte qui se referme sur elle est tragique !
    - Aussi, chez les bénédictines de la rue Tournefort, la scène a-t-elle lieu dans l'intérieur du couvent et sans que la famille y assiste ; la mère est épargnée, mais ainsi mitigée, cette cérémonie n'est plus qu'une étiquette banale, qu'une formule presque penaude dans ce huis clos où la Foi se cache.
    - Et elles sont également des bénédictines de l'adoration perpétuelle, ces nonnes-là ?
    - Oui, connaissez-vous leur monastère ?
    Et Durtal faisant signe que non, l'abbé reprit :
    - Il est plus ancien, mais moins intéressant que celui de la rue Monsieur ; la chapelle y est mesquine, pleine de statuettes de plâtre, de fleurs en taffetas, de grappes de raisins, d'épis en papier d'or ; mais l'antique bâtisse qui abrite le cloître est curieuse. Elle tient, comment dirai-je, d'un réfectoire de pension et aussi d'un salon de maison de retraite ; elle sent en même temps la vieillesse et l'enfance…
    - Je connais ce genre de couvents, fit Durtal ; j'en ai autrefois fréquenté un, alors que j'allais visiter, à Versailles, une vieille tante. Pour moi, il évoquait surtout l'idée d'une maison Vauquer tombée dans la dévotion, il fleurait tout à la fois la table d'hôte de la rue de la Clef et la sacristie de province.
    - C'est bien cela, et l'abbé reprit, en souriant :
    - J'ai eu, rue Tournefort, plusieurs entrevues avec l'abbesse ; on la devine plutôt qu'on ne la voit, car on est séparé d'elle par une herse de bois noir derrière laquelle s'étend un rideau qu'elle ouvre.
    Je la vois très bien, moi, pensa Durtal qui, se rappelant le costume des bénédictines, aperçut, en une seconde, une petite face brouillée dans un jour neutre, puis, plus bas, sur le haut de la robe, l'éclat d'un Saint-sacrement de vermeil, émaillé de blanc.
    Il se mit à rire et dit à l'abbé :
    - Je ris, parce qu'ayant eu des affaires à régler avec cette tante religieuse dont je vous ai parlé et que je ne discernais, ainsi que votre abbesse, qu'au travers de la treille, j'avais découvert la façon de lire un peu dans ses pensées.
    - Ah ! et comment ?
    - Voici. Ne pouvant observer sa physionomie qui se reculait derrière le lattis de la cage et disparaissait sous son voile, ne pouvant non plus, si elle me répondait, me guider sur les inflexions de sa voix toujours circonspecte et toujours calme, j'avais fini par ne me 8 fier qu'à ses grandes lunettes, rondes et cerclées de buffle, que presque toutes les nonnes portent ; eh bien, la vivacité réfrénée de la femme éclatait là ; subitement, dans un coin des verres, une flammèche s'allumait ; je comprenais alors que l'oeil avait pris feu et qu'il démentait l'indifférence de la voix, la quiétude voulue du ton.
    L'abbé se mit, à son tour, à rire.
    - Et la supérieure qui dirige les bénédictines de la rue Monsieur, vous la connaissez ? reprit Durtal.
    - J'ai causé avec elle, une fois ou deux ; là, le parloir est monastique ; il n'a point le côté provincial et bourgeois de la rue Tournefort ; il se compose d'une loge sombre occupée dans toute la largeur, au fond par une grille enchevêtrée de fer ; derrière cette grille se dressent encore des barreaux de bois et un volet peint en noir. L'on est en pleine

Weitere Kostenlose Bücher