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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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y être quand même implacable, car la Trappe est l'ordre le plus rigide qui ait été imposé aux hommes.
    Pour toute réponse, l'abbé lâcha le bras de Durtal et lui prit les mains.
    - Savez-vous, lui dit-il, en le regardant bien en face, savez-vous, c'est là que vous devriez aller pour vous convertir.
    - Parlez-vous sérieusement, monsieur l'abbé ?
    Et comme le prêtre lui serrait les mains plus fort, Durtal s'écria :
    - Ah ! non, par exemple ; d'abord, je n'ai pas la robustesse d'âme et j'ai encore moins, s'il est possible, la santé corporelle qu'exigerait un tel régime ; je tomberais malade en arrivant et puis… et puis…
    - Et puis quoi ? Je ne vous propose pas de vous interner à jamais dans un cloître…
    - J'aime à le croire, fit Durtal, d'un ton presque piqué.
    - Mais bien d'y rester une huitaine, juste le temps nécessaire pour vous y curer. Or, huit jours sont bien vite passés ; ensuite, croyez-vous donc que si vous preniez une semblable résolution, Dieu ne vous soutiendrait point.
    - C'est joli à dire, mais…
    - Parlons hygiène, alors… - Et l'abbé eut un sourire de pitié un peu méprisante. - Je puis vous attester tout d'abord que vous ne serez pas tenu, en votre qualité de retraitant, de mener la vie du trappiste, dans ce qu'elle a de plus austère. Vous pourrez ne pas vous lever à deux heures du matin pour suivre l'office de matines, mais bien à trois ou même à quatre heures, selon les jours.
    Et souriant devant la grimace de Durtal, l'abbé poursuivit : - quant à votre nourriture, elle sera meilleure que celle des moines ; vous n'aurez naturellement ni poisson, ni viande, mais l'on vous accordera certainement un oeuf par repas si les légumes ne vous suffisent point.
    - Et les légumes sont cuits à l'eau et au sel, sans assaisonnement…
    - Mais non, ils ne sont accommodés au sel et à l'eau que dans les temps de jeûne ; les autres jours vous les aurez cuits dans un lait coupé d'eau ou d'huile.
    - Merci bien, s'écria Durtal.
    - Mais tout cela est excellent pour la santé, continua le prêtre ; vous vous plaignez de gastralgies, de migraines, de maux d'entrailles ! Eh bien, ce régime-là, à la campagne, au plein air, vous guérira mieux que les drogues qu'on vous fait prendre.
    Puis laissons, si vous le voulez bien, de côté, votre corps, car, en pareil cas, c'est à Dieu qu'il appartient de réagir contre ses défaillances ; je vous le dis, vous ne serez pas malade à la Trappe, car ce serait absurde ; ce serait le renvoi du pécheur pénitent et Jésus ne serait plus le Christ alors ! - mais parlons de votre âme. - Ayez donc le courage de la toiser, de la regarder bien en face ; la voyez-vous ? Reprit l'abbé, après un silence.
    Durtal ne répondit pas.
    - Avouez donc, s'écria le prêtre, qu'elle vous fait horreur !
    Ils firent quelques pas dans la rue et l'abbé reprit :
    - Vous affirmiez être soutenu par les foules de Notre-Dame-des-Victoires et les effluves de Saint-Séverin. Que sera-ce donc alors, dans l'humble chapelle où vous serez pêle-mêle, par terre, avec des saints ? Je vous garantis, au nom du Seigneur, une aide telle que jamais vous n'en eûtes et, poursuivit-il en riant, j'ajoute que l'Eglise se fera belle pour vous recevoir ; elle sortira ses parures maintenant omises : les authentiques liturgies du Moyen Age, le véritable plain-chant, sans solos, ni orgues.
    - Ecoutez, vos propositions m'ahurissent, fit péniblement Durtal. Non, je vous assure, je ne suis pas du tout disposé à m'emprisonner dans un lieu pareil. Je sais bien qu'à Paris, je n'arriverai à rien ; je ne suis ni fier de ma vie, ni content de mon âme, je vous le jure, mais de là… à… ou alors, je ne sais pas, moi ; il me faudrait au moins un asile mitigé, un couvent doux. Il doit pourtant y avoir, dans ces conditions, des lazarets d'âmes ?
    - Je ne pourrais que vous envoyer chez les jésuites qui ont la spécialité des retraites d'hommes ; mais, vous connaissant comme je crois vous connaître, je suis sûr que vous n'y resteriez pas deux jours. Vous vous trouveriez avec d'aimables et de très habiles prêtres, mais on vous assommerait de sermons, on voudrait se mêler à votre vie, s'immiscer dans votre art ; on surveillerait vos pensées à la loupe ; et puis, vous seriez là en traitement avec de bons jeunes gens dont l'inintelligente piété vous ferait horreur : vous fuiriez, exaspéré, de là !
    A la Trappe, c'est le contraire. Vous y

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