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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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recueillir sur une pelle la poussière qui remplissait, comme une poudre de poivre, les salières creusées dans les carreaux du sol.
    Durtal emporta sa tablette dans le jardin. Réfléchissons, se dit-il, en la grignotant ; si je longeais une autre route, si j'allais me promener dans la partie du bois que j'ignore. Et il n'en eut aucun désir. - non, dans l'état où je suis, j'aime mieux hanter le même endroit, ne point quitter les lieux où j'ai fixé mes habitudes ; je suis déjà si peu coordonné, si facilement épars, que je ne veux pas risquer de me désunir dans la curiosité de nouveaux sites. Et il s'en fut près de l'étang en croix.
    Il remonta le long de ses rives et quand il eut atteint le sommet, il s'étonna de rencontrer, à quelques minutes de là, un ruisseau moucheté de pellicules vertes, creusé entre deux haies qui servaient de clôture au monastère. Plus loin, s'étendaient des champs, une vaste ferme dont on entrevoyait les toits dans des arbres, et, partout, à l'horizon, sur des collines, des forêts qui semblaient arrêter la marche en avant du ciel.
    - Je me figurais ce territoire plus grand, se dit-il, en revenant sur ses pas et lorsqu'il eut regagné le haut de l'étang en croix, il contempla l'immense crucifix de bois, dressé en l'air et qui se réverbérait dans cette glace noire. Il s'y enfonçait, vu de dos, tremblait dans les petites ondes que plissait le vent, paraissait descendre en tournoyant dans cette étendue d'encre. Et l'on n'apercevait de ce Christ de marbre dont le corps était caché par son bois, que les deux bras blancs qui dépassaient l'instrument de supplice et se tordaient dans la suie des eaux.
    Assis sur l'herbe, Durtal regardait l'obscur miroir de cette croix couchée et, songeant à son âme qui était, ainsi que cet étang, tannée, salie, par un lit de feuilles mortes, par un fumier de fautes, il plaignait le sauveur qu'il allait convier à s'y baigner, car ce ne serait même plus le martyre du Golgotha, consommé, sur une éminence, la tête haute, au jour, en plein air, au moins ! Mais ce serait par un surcroît d'outrages, l'abominable plongeon du corps crucifié, la tête en bas, la nuit, dans un fond de boue !
    - Ah ! il serait temps de l'épargner, en me filtrant, en me clarifiant, se cria-t-il. - Et le cygne, demeuré jusqu'alors immobile dans un bras de l'étang, balaya, en s'avançant, la lamentable image, blanchit de son reflet tranquille le deuil remué des eaux.
    Et Durtal songea à l'absolution qu'il obtiendrait peut-être et il rouvrit son eucologe et dénombra ses fautes ; et lentement, ainsi que la veille, il se tarauda, parvint, en se sondant, à faire sortir du sol de son être un jet de larmes.
    Il s'agit de se contenir, se dit-il, tremblant à l'idée qu'il suffoquerait encore, qu'il ne pourrait parler ; et il résolut de commencer à rebours sa confession, d'énumérer d'abord les petits péchés, de garder les gros pour la fin, de terminer par l'aveu des méfaits charnels ; si alors je succombe, j'arriverai quand même à m'expliquer en deux mots. - Mon Dieu ! Pourvu néanmoins que le prieur ne se taise pas comme hier, pourvu qu'il me délie !
    Il secoua sa tristesse, quitta l'étang, rejoignit son allée de tilleuls et il se plut à inspecter de près ces arbres. Ils érigeaient des troncs énormes, frottés d'orpin roux, gouachés d'argent gris par des mousses ; et plusieurs, ce matin-là, étaient enveloppés ainsi que d'une mantille couturée de perles, par des fils de la vierge que la rosée attachait avec les noeuds clairs de ses gouttes.
    Il s'assit sur un banc, puis craignant une ondée, car le temps tournait à la pluie, il se retira dans sa cellule.
    Il ne se sentait aucune envie de lire ; il n'avait plus qu'une hâte, atteindre, tout en la redoutant, la neuvième heure, en finir avec le lest de son âme et s'en décharger, et il priait mécaniquement, sans savoir ce qu'il marmottait, pensant toujours à cette confession, repris d'alarmes, retraversé de transes.
    Il descendit un peu avant l'heure-et le coeur lui manqua, lorsqu'il pénétra dans l'auditoire.
    Malgré lui, ses yeux se braquaient sur ce prie-dieu où il avait si cruellement souffert.
    Dire qu'il allait falloir se remettre sur cette claie, s'étendre encore sur ce chevalet de torture ! Il essaya de se colliger, de se résumer-et il se cabra brusquement ; il entendait les pas du moine.
    La porte s'ouvrit et, pour la première fois, Durtal osa

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