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En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
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quittèrent ensemble l'auditoire ; le moine le salua dans le corridor et disparut. Durtal hésitait entre aller méditer dans sa cellule ou dans l'église, quand M. Bruno survint.
    Il s'approcha de Durtal et lui dit :
    - Hein ? c'est un fameux poids de moins sur l'estomac !
    Et Durtal le regardant, étonné, il rit.
    - Pensez-vous donc qu'un vieux pécheur tel que moi n'ait pas découvert à mille riens, ne fût-ce qu'à vos pauvres yeux qui maintenant s'éclairent, que vous n'étiez pas encore réconcilié lorsque vous êtes débarqué ici. Or, je viens de surprendre le révérend père qui retourne dans le cloître et, vous, je vous rencontre sortant de l'auditoire ; il n'est pas dès lors nécessaire d'être bien malin pour deviner que le grand lavage vient d'avoir lieu !
    - Mais, fit Durtal, le prieur que vous n'avez pu voir avec moi, puisqu'il était parti quand vous êtes entré, aurait pu accomplir une autre tâche.
    - Non, car il n'était pas en scapulaire ; il avait la coule. Et comme il n'endosse cette robe que pour se rendre à l'église ou à confesse, j'étais bien certain, étant donnée cette heure-ci qui ne comporte aucun office, qu'il venait de l'auditoire. J'avançai encore que les trappistes n'étant pas confessés dans cette pièce, deux personnes seulement pouvaient s'y entretenir avec lui, vous ou moi.
    - Vous m'en direz tant, répliqua Durtal, en riant. Le Père Etienne les accosta sur ces entrefaites et Durtal lui réclama un chapelet.
    - Mais je n'en ai pas, s'écria le moine.
    - J'en possède plusieurs, fit M. Bruno, et je serai très heureux de vous en offrir un. Vous permettez, mon père…
    Le moine acquiesça d'un signe.
    - Alors si vous voulez bien m'accompagner, reprit l'oblat, en s'adressant à Durtal, je vous le remettrai, sans plus tarder.
    Ils montèrent ensemble l'escalier et Durtal connut alors que M. Bruno demeurait dans une pièce située au fond d'un petit corridor, pas bien loin de la sienne.
    Cette cellule était très simplement meublée d'un ancien mobilier bourgeois, d'un lit, d'un bureau d'acajou, d'une large bibliothèque pleine de livres ascétiques, d'un poêle de faïence et de fauteuils.
    Ces meubles appartenaient évidemment à l'oblat, car ils ne ressemblaient en rien au mobilier des Trappes.
    - Asseyez-vous, je vous prie, dit M. Bruno, en montrant un fauteuil, et ils causèrent.
    Après s'être d'abord engagée sur le sacrement de pénitence, la conversation se fixa sur le père Maximin et Durtal avoua que la haute mine du prieur l'avait terrifié tout d'abord.
    M. Bruno se mit à rire. - Oui, fit-il, il produit cet effet sur ceux qui ne l'approchent point, mais quand on le fréquente, on discerne qu'il n'est rigide que pour lui-même, car nul n'est, pour les autres, plus indulgent ; c'est un vrai et un saint moine, dans toute l'acception du terme ; aussi a-t-il de grandes lumières…
    Et comme Durtal lui parlait des autres cénobites et s'étonnait qu'il y eut, parmi eux, de très jeunes gens, M. Bruno répondit :
    - S'imaginer que la plupart des trappistes ont vécu dans le monde est une erreur. Cette idée, si répandue, que les gens se réfugient dans les Trappes après de longs chagrins, après des existences désordonnées, est absolument fausse ; d'ailleurs, pour pouvoir endurer le régime débilitant du cloître, il faut commencer jeune et surtout ne pas apporter un corps usé par des abus de toute sorte.
    Il convient aussi de ne pas confondre la misanthropie et la vocation monastique ; - ce n'est pas l'hypocondrie, mais l'appel divin, qui conduit dans les Trappes. Il y a là une grâce spéciale qui fait que de tout jeunes gens, qui n'ont jamais vécu, aspirent à pouvoir s'interner dans le silence et à y souffrir les privations les plus dures ; et ils sont heureux ainsi que je vous souhaiterais de l'être ; et cependant leur existence est encore plus rigoureuse que vous ne la supposez ; prenons les convers, par exemple.
    Songez qu'ils se livrent aux labeurs les plus pénibles et qu'ils n'ont même pas comme les pères la consolation d'assister à tous les offices et de les chanter ; songez que leur récompense qui est la communion ne leur est même pas très souvent concédée.
    Représentez-vous maintenant l'hiver ici. Le froid y est terrible ; dans ces bâtiments délabrés, rien ne ferme et le vent balaie la maison du haut en bas ; ils y gèlent sans feu, couchent sur des grabats ; et ils ne peuvent se soutenir, s'encourager entre

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