Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen

En Route

Titel: En Route Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Joris-Karl Huysmans
Vom Netzwerk:
bienheureuse était dans de meilleures conditions que moi pour se rédimer. Elle vivait au treizième siècle, avait moins de chemin à faire pour aborder Dieu, car depuis le Moyen Age, chaque siècle nous éloigne de lui davantage ! Elle vivait dans un temps plein de miracles et qui regorgeait de saints et, moi, je vis à Paris, à une époque où les miracles sont rares, où les saints ne foisonnent guère. - puis, une fois parti d'ici, je vais m'amollir, me diluer encore dans l'infâme étuvée, dans le bain de péchés des villes, quelle perspective !
    A propos… il regarda sa montre et tressauta ; il était deux heures-j'ai manqué l'office de none, se dit-il ; décidément, il faut que je simplifie l'horaire compliqué de ma pancarte, sans cela je ne m'y reconnaîtrai jamais : et il le traça en effet, en quelques lignes :
    Matin - lever à 4 heures ou plutôt à 3 heures 1/2 - Déjeuner à 7 heures - Sexte à 11 heures, dîner 7 à 11 heures 1/2 - None à 1 heure 1/2 - Vêpres à 5 heures 1/4 - Souper à 6 et Complies à 7 heures 25.
    Là, c'est clair au moins et facile à retenir. - Pourvu maintenant que le P. Etienne n'ait pas remarqué mon absence à la chapelle !
    Il quitta sa chambre. - Ah ! voici le fameux règlement, se dit-il, en considérant un tableau encadré, pendu sur le palier.
    Il s'approcha et il lut :
    "Règlement de messieurs les Hôtes."
    Il se composait de nombreux articles et débutait par ces mots :
    "On prie humblement ceux que la divine providence conduira dans ce monastère d'agréer qu'on les avertisse des choses suivantes ;" "On évite, en tout temps, la rencontre des religieux et des frères convers ; on n'approche pas du lieu où ils travaillent." "Il est interdit de sortir de la clôture pour aller à la ferme ou aux environs du monastère."
    Puis venait une série de recommandations qui figuraient déjà dans le nota des horaires imprimé sur les pancartes.
    Durtal sauta plusieurs paragraphes et lut encore :
    " MM. les hôtes sont priés de ne rien écrire sur les portes, de ne pas frotter d'allumettes au mur, de ne pas jeter d'eau sur le plancher." " On ne peut aller d'une chambre à l'autre pour visiter son voisin ou lui parler." " On ne peut fumer dans la maison."
    Et dehors non plus, pensa Durtal, j'ai pourtant bien besoin d'allumer une cigarette. Et il descendit.
    Il se heurta dans le couloir au père Etienne qui lui fit aussitôt observer qu'il ne l'avait pas vu à sa place pendant l'office. Durtal s'excusa de son mieux. Le moine n'insista pas, mais Durtal comprit qu'il était surveillé et se rendit compte que, sous ses allures bon enfant, l'hôtelier devait, dès qu'il s'agissait de discipline, vous serrer la gorge dans un garrot de fer.
    Il n'en douta plus lorsqu'à l'heure des vêpres, il s'aperçut que le premier regard du moine en entrant dans la chapelle était pour lui, mais il était si veule, si endolori, ce jour-là, qu'il ne s'en occupa guère.
    Ce changement brusque d'existence, ces heures de sa vie habituelle si complètement transformées l'ahurissaient et, de sa crise du matin, il avait conservé une sorte de torpeur qui lui brisait tout ressort. Il vécut cette fin de journée à la dérive, ne pensant plus à rien, dormant debout ; et quand le soir fut venu, il s'écroula sur son lit comme une masse.
    q

Chapitre 3
    I l se réveilla en sursaut à onze heures, avec cette impression de quelqu'un qui se sent regardé pendant qu'il dort. Il fit craquer une allumette, ne vit personne, vérifia l'heure et, retombant sur sa couche, dormit d'un trait jusqu'à près de quatre heures. Il s'habilla en hâte et courut à l'église.
    Le vestibule, obscur la veille, était éclairé, ce matin-là, car un vieux moine célébrait une messe à l'autel de saint Joseph, un moine chauve et cassé, avec une barbe blanche fuyant de toutes parts, en coup de vent, volant en de très longs fils.
    Un convers l'assistait, un petit homme au poil noir et au crâne rasé, pareil à une boule peinte en bleu ; il ressemblait à un bandit, avec sa barbe en désordre et son sac usé de bure.
    Et ce bandit avait l'oeil doux et étonné des gosses. Il servait le prêtre avec un respect presque craintif, avec une joie contenue vraiment touchante.
    Les autres, à genoux sur les dalles, priaient, concentrés, ou lisaient leur messe. Durtal distingua le très vieux de quatre-vingt ans, immobile, la face tendue en avant et les yeux clos ; et le jeune, celui dont le regard

Weitere Kostenlose Bücher