En Route
ne vous attendît là et qu'il ne s'efforçât de vous en éloigner, car il sait fort bien que, sans ce divin magistère, aucune guérison n'est possible. Vous aurez donc à porter sur ce point toute votre attention.
Le moine réfléchit une minute, puis il reprit :
- La sainte Eucharistie… vous en aurez plus qu'un autre besoin, car vous serez plus malheureux que les êtres moins cultivés, que les êtres plus simples. Vous serez torturé par l'imagination. Elle vous a fait beaucoup pécher et, par un juste retour, elle vous fera beaucoup souffrir ; elle sera la porte mal fermée de votre personne et c'est par là que le démon s'introduira et s'épandra en vous. - Veillez donc de ce côté et priez ardemment pour que le seigneur vous vienne en aide. Dites-moi, avez-vous un chapelet ?
- Non, mon père.
- Je sens, reprit le moine, dans le ton dont vous avez prononcé ce nom, percer une certaine hostilité contre le chapelet.
- Je vous avouerai que ce moyen mécanique pour réciter des oraisons me gêne un peu ; je ne sais pas, mais il me semble qu'au bout de quelques secondes, je ne pourrais plus penser à ce que je répète ; je bafouillerais, je finirais certainement par balbutier des bêtises…
- Vous avez connu, fit tranquillement le prieur, des pères de famille. Leurs enfants leur bredouillaient des caresses, leur racontaient n'importe quoi et ils étaient cependant ravis de les entendre ! Pourquoi voulez-vous que notre-Seigneur, qui est un bon père, n'aime pas à écouter ses enfants même lorsqu'ils ânonnent, même lorsqu'ils débitent des bêtises ?
Et, après une pause, il poursuivit :
- Je flaire un peu de ruse diabolique dans votre avis, car de grandes grâces sont attachées à cette couronne d'oraisons. La Très Sainte Vierge a elle-même révélé ce moyen de prier aux saints ; elle a déclaré s'y complaire ; cela doit suffire pour nous le faire aimer.
Faites-le donc pour elle qui a puissamment aidé à votre conversion, qui a intercédé auprès de son fils pour vous sauver. Rappelez-vous aussi que Dieu a voulu que toutes les grâces nous vinssent par elle. Saint Bernard le déclare expressément : Totum nos habere voluit per mariam.
Le moine fit une nouvelle pause et il ajouta :
- Le chapelet met, du reste, les sots en fureur et c'est là un signe sûr. Vous voudrez bien, comme pénitence, réciter une dizaine, pendant un mois, chaque jour.
Il se tut, puis lentement, il reprit :
- Nous gardons tous, hélas ! Cette cicatrice du péché originel qu'est le penchant au mal ; chacun la ménage plus ou moins ; vous, depuis l'âge de discrétion, vous l'avez constamment ouverte, mais il suffit que vous exécriez votre plaie pour que Dieu la ferme. Je ne vous parlerai donc pas de votre passé, puisque votre repentir et votre ferme propos de ne plus pécher l'effacent. Demain, vous recevrez le gage de la réconciliation, vous communierez ; après tant d'années, le seigneur s'engagera dans la route de votre âme et s'y arrêtera ; abordez-le avec grande humilité et préparez-vous d'ici-là, par la prière, à ce mystérieux coeur à coeur que sa bonté désire. Dites maintenant votre acte de contrition, je vais vous donner la sainte absolution.
Le moine leva les bras et les manches de sa coule blanche volèrent ainsi que deux ailes au-dessus de lui. Il proférait, les yeux au ciel, l'impérieuse formule qui rompt les liens ; et trois mots prononcés, d'une voix plus haute et plus lente : "Ego te absolvo," tombèrent sur Durtal qui frémit de la tête aux pieds.
Il s'affaissa presque sur le sol, incapable de se réunir, de se comprendre, sentant seulement et cela d'une façon très nette, - que le Christ était en personne présent, était là, près de lui dans cette pièce, - et, ne trouvant aucune parole pour le remercier, il pleura, ravi, courbé sous le grand signe de croix dont le couvrait le moine.
Il lui sembla sortir d'un rêve, alors que le prieur lui dit : "Réjouissez-vous, votre vie est morte ; elle est enterrée dans un cloître et c'est aussi dans un cloître qu'elle va renaître ; c'est un bon présage ; ayez confiance en notre-Seigneur et allez en paix."
Et le père ajouta, en lui serrant la main : - n'ayez aucune crainte de me déranger, je suis à votre entière disposition ; non seulement pour la confession, mais encore pour tous les entretiens, pour tous les conseils qui pourraient vous être utiles ; c'est bien entendu, n'est-ce pas ?
Ils
Weitere Kostenlose Bücher