Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
ouvrage d’érudition sur la langue des signes indienne.)
Little Wolf aurait pu rester à Fort Robinson avec Chapeau-Blanc, mais lorsque Washington ordonna que les Cheyennes soient emmenés par voie de terre jusqu’au Territoire Indien, il décida d’accompagner ses frères. Avant le départ, les chefs, inquiets, demandèrent qu’une dernière réunion soit organisée avec Crook. Le général, qui se voulait rassurant, leur conseilla d’aller voir par eux-mêmes le Territoire Indien ; s’ils n’aimaient pas l’endroit, ils pourraient revenir dans le Nord. (Du moins ce fut ainsi que les interprètes traduisirent ses paroles.)
Les Cheyennes auraient voulu que Chapeau-Blanc les accompagne. Mais ce fut le lieutenant Henry W. Lawton que l’on chargea de les escorter, « un brave homme, toujours gentil avec les Indiens », d’après Wooden Leg. Les Indiens furent heureux de voir que Grand-Homme-Blanc, comme ils l’avaient surnommé, autorisait les vieillards et les malades à voyager dans les chariots des soldats durant la journée et à dormir sous les tentes de l’armée. Lawton veilla également à ce que tous aient du pain, de la viande, du café et du sucre en quantités suffisantes.
La caravane resta à l’écart des villes et suivit de vieilles pistes que les Indiens connaissaient bien pour les avoir fréquentées lors de leurs chasses. Les Plaines changeaient. Elles se couvraient de voies de chemin de fer, de clôtures et de bâtiments. Les Cheyennes ayant repéré quelques petits troupeaux de bisons et d’antilopes, Lawton distribua des fusils à trente guerriers choisis par les chefs afin qu’ils puissent chasser.
Des neuf cent soixante-douze Cheyennes partis de Fort Robinson à la Lune-où-les-mustangs-perdent-leurs-poils, neuf cent trente-sept arrivèrent le 5 août 1877 à Fort Reno, sur la réserve cheyenne-arapaho, après un voyage de presque cent nuits. Quelques vieillards avaient péri en route, et des jeunes braves s’étaient enfuis pour retourner dans le Nord.
À Fort Reno, les Cheyennes furent accueillis par Trois-Doigts Mackenzie. Il saisit les quelques armes qu’ils possédaient ainsi que leurs chevaux, qu’il épargna cette fois-ci, promettant que leur agent les leur rendrait une fois qu’ils auraient commencé à cultiver leurs nouvelles terres. Puis il confia les nouveaux arrivés à l’agent John D. Miles.
Un ou deux jours plus tard, les Cheyennes du Sud invitèrent leurs cousins du Nord à une fête tribale d’accueil, ainsi que le voulait la coutume. Ce fut à cette occasion que Little Wolf et Dull Knife se rendirent compte que quelque chose n’allait pas. Le festin se résumait pour ainsi dire à une marmite de soupe très claire ; c’était là tout ce que les Cheyennes du Sud pouvaient offrir à leurs invités. On ne trouvait pas assez à manger sur cette terre stérile – il n’y avait pas de gibier, pas d’eau propre à la consommation, et l’agent n’avait pas assez de rations pour eux. Pour couronner le tout, la chaleur était insupportable, et l’air empli de moustiques et de poussière soulevée par le vent.
Little Wolf alla trouver l’agent pour lui expliquer que lui et son peuple étaient simplement venus voir la réserve, et qu’à présent, comme celle-ci ne leur plaisait pas, ils étaient prêts à retourner dans le Nord, ainsi que Crook le leur avait proposé. Miles répondit que seul le Grand Père pouvait autoriser les Cheyennes du Nord à retourner dans les Black Hills. Il promit davantage de nourriture ; un troupeau de bœufs en provenance du Texas arrivait.
Certes, les bêtes étaient maigres et leur chair aussi dure que leur cuir, mais au moins les Cheyennes pouvaient-ils à présent faire une soupe un peu plus consistante. Mais à la fin de l’été, une maladie se manifestant par des frissons, une forte fièvre et des douleurs osseuses fit son apparition. « Nos frères sont morts, les uns après les autres, et ont quitté ce monde. »
Little Wolf et Dull Knife se plaignirent à l’agent et au commandant de Fort Reno. Finalement, l’armée dépêcha sur place le lieutenant Lawton, Grand-Homme-Blanc, afin qu’il inspecte le campement des Cheyennes du Nord. « Ils n’ont pas assez de vivres pour manger à leur faim, expliqua ce dernier dans son rapport. Beaucoup de leurs enfants et de leurs femmes sont malades à cause du manque de nourriture. Je les ai vus refuser ce qu’on leur donnait parce qu’ils voulaient le
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