Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
rassembler leurs affaires et de se tenir prêts à partir dès l’aube. Laissant derrière eux leurs tipis vides, ils prirent la direction du nord en traversant des zones sablonneuses. Ils étaient deux cent quatre-vingt-dix-sept, dont moins d’un tiers de guerriers – les plus braves d’une tribu fïère et vouée à disparaître. Comme il n’y avait pas assez de chevaux pour tous, ils marchèrent à tour de rôle. Quelques jeunes hommes étaient partis en avant afin de capturer des mustangs – s’ils en trouvaient.
À l’époque où ils étaient des milliers, les Cheyennes possédaient plus de chevaux que n’importe quelle autre tribu des Plaines. Eux qu’on appelait le « Beau Peuple » se retrouvaient à présent harcelés par le sort aussi bien dans le Nord que dans le Sud. Après vingt ans de massacres, ils étaient, plus encore que le bison, au bord de l’extinction.
Comme poussés par une volonté commune, les Cheyennes de Little Wolf et de Dull Knife voyagèrent trois jours durant, en ne se ménageant pas plus qu’ils ne ménageaient leurs chevaux. Le 13 septembre, ils traversèrent la Cimarron River à deux cent cinquante kilomètres au nord de Fort Reno et choisirent une position défensive à la jonction de quatre canyons. Des bosquets de cèdres offraient aux guerriers une excellente couverture.
Ce fut là que les soldats les rattrapèrent. Ils envoyèrent un éclaireur arapaho afin de négocier avec eux. Avec sa couverture, l’homme fit des signes avertissant les Cheyennes qu’ils devaient faire demi-tour et rentrer sur la réserve. Little Wolf se montra. L’éclaireur s’approcha et lui dit que le chef soldat ne cherchait pas le combat, mais que s’ils ne le suivaient pas à Fort Reno, ils seraient attaqués.
« Nous allons dans le Nord, répliqua Little Wolf, puisque quand nous avons accepté de nous installer sur la réserve, on nous a donné l’assurance que c’était possible. Nous avons l’intention de poursuivre notre chemin paisiblement, si possible, sans blesser personne ni détruire les biens des Blancs tant qu’on ne nous attaquera pas en premier. Si les soldats nous agressent, nous réagirons, et si des Blancs qui ne seraient pas des soldats les aident contre nous, nous les combattrons eux aussi. »
L’éclaireur arapaho rapporta au capitaine Joseph Rendlebrock la réponse de Little Wolf. Peu après, les soldats s’enfoncèrent dans les canyons et se mirent à tirer. C’était la chose à ne pas faire. En effet, ils se retrouvèrent cernés par les Cheyennes qui s’étaient cachés dans les fourrés, et passèrent un jour et une nuit coincés au fond des canyons sans une goutte d’eau. Le lendemain matin, les Indiens filèrent vers le nord par petits groupes tandis que les soldats battaient en retraite.
S’engagea alors une course-poursuite à travers le Kansas et jusqu’au Nebraska. Les soldats arrivèrent en masse de tous les forts – les cavaliers de Wallace, Hays, Dodge, Riley et Kearney, tandis que les troupes d’infanterie étaient amenées sur place par les trains qui empruntaient les trois voies de chemin de fer parallèles entre la Cimarron et la Platte. Pour pouvoir se déplacer rapidement, les Cheyennes échangèrent leurs montures épuisées contre des chevaux volés à des Blancs. Ils tentèrent bien d’éviter les combats, mais les ranchers, les cow-boys, les fermiers, et même les commerçants des petites villes participèrent à la traque. Dix mille soldats et trois mille civils les harcelèrent ainsi sans relâche, clairsemant leurs rangs et ramassant les vieillards et les enfants qui n’arrivaient plus à suivre. Au cours des deux dernières semaines de septembre, les fugitifs furent rattrapés à cinq reprises par les soldats, mais parvinrent chaque fois à fuir. En restant sur des terrains accidentés, ils rendirent impossible l’utilisation de chariots ou de ces gros fusils montés sur roues. Mais à peine avaient-ils échappé à une colonne de Tuniques Bleues qu’une autre prenait le relais.
Au début de la Lune-où-les-feuilles-tombent, après avoir traversé les voies de l’Union Pacific Railroad et franchi la Platte à gué, ils se dirigèrent en pressant l’allure vers les terres sablonneuses du Nebraska, qu’ils connaissaient bien. Crook envoya plusieurs colonnes à leur poursuite, tout en reconnaissant que « les prendre serait aussi difficile que d’attraper un vol de corbeaux paniqués ».
À présent, le
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