Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
la trace des Nez-Percés quelques heures auparavant, chargeaient. Ils étaient accompagnés par les trente jeunes éclaireurs sioux et cheyennes qui s’étaient mis à la solde de l’armée américaine à Fort Robinson, avaient trahi leur peuple et endossé l’uniforme bleu – précipitant ainsi l’assassinat de Crazy Horse.
La terre trembla sous les sabots des six cents chevaux du 7 e lancés au galop. White Bird disposa calmement ses guerriers devant le campement. Lorsque la première ligne de soldats arriva, les Nez-Percés ouvrirent le feu avec une précision redoutable. En quelques secondes, ils tuèrent vingt-quatre soldats et en blessèrent quarante-deux autres. La charge s’enfonça dans un chaos de chevaux tombant à terre et de soldats désarçonnés.
« Les combats se sont déroulés de très près, devait raconter Joseph, à une distance qui n’excédait pas vingt pas. Les soldats ont reculé jusqu’à leurs premières lignes en abandonnant leurs morts, dont nous avons pris les armes et les munitions. Le premier jour, nous avons perdu dix-huit hommes et trois femmes. » Parmi les morts figuraient Ollokot, le frère de Joseph, et Toohoolhoolzote, le vieux prophète opiniâtre.
Les Nez-Percés tentèrent de profiter de la nuit pour s’échapper, mais Miles avait disposé un cordon de soldats tout autour du campement. Les guerriers passèrent la nuit à creuser des tranchées en prévision de l’attaque du lendemain.
Mais au lieu d’attaquer, Miles envoya aux Indiens un messager avec un drapeau blanc, chargé de demander la reddition de Joseph contre la vie sauve pour son peuple. Joseph répondit qu’il allait réfléchir et informerait rapidement Miles de sa décision. La neige s’était mise à tomber, et les guerriers espéraient pouvoir s’échapper derrière l’écran formé par le blizzard.
Plus tard, certains des éclaireurs sioux de Miles s’approchèrent des Nez-Percés avec un drapeau blanc. Joseph traversa le champ de bataille pour venir à leur rencontre. « Ils ont dit qu’ils pensaient que le général Miles désirait sincèrement la paix. Je me suis rendu à pied dans la tente du général. »
Les deux jours suivants, Miles le retint prisonnier, malgré son drapeau blanc, tout en faisant monter l’artillerie pour relancer l’attaque. Mais les guerriers ne cédèrent pas un pouce de terrain et Joseph refusa de capituler tant qu’il n’était pas libéré. Pendant ce temps, la neige, apportée par un vent glacial, recouvrait le théâtre des opérations.
Le troisième jour, les guerriers de Joseph obtinrent sa libération en capturant l’un des officiers de Miles et en menaçant de le tuer si leur chef n’était pas relâché. Le même jour, Miles reçut enfin le renfort du général Howard et de ses troupes.
Joseph comprit alors que sa bande de guerriers, de plus en plus réduite, était perdue. Miles envoya des messagers pour convenir d’une rencontre, à laquelle Joseph se rendit pour savoir sous quelles conditions il allait devoir faire sa reddition. Elles étaient on ne peut plus simples : « Si vous nous remettez vos armes, déclara Miles, je vous épargnerai et vous enverrai dans votre réserve. »
De retour dans son campement assiégé, Joseph rassembla ses lieutenants pour la dernière fois. Looking Glass et White Bird voulaient poursuivre les combats, jusqu’à la mort si nécessaire. Ils avaient parcouru deux mille kilomètres sans cesser de se battre ; ils ne pouvaient pas abandonner maintenant. Joseph accepta à contrecœur de remettre sa décision à plus tard. Cet après-midi, au bout de quatre jours de siège, Looking Glass reçut une balle à la tempe gauche lors d’une dernière escarmouche. Il mourut sur le coup.
« Le cinquième jour, raconte Joseph, je suis allé voir le général Miles et lui ai remis mon fusil. » Le chef indien prononça également un discours émouvant dont la traduction anglaise fut transcrite par le lieutenant Charles Erskine Scott Wood (40) , et qui plus tard deviendrait le discours indien le plus souvent cité :
Dites au général Howard que je sais ce qu’il a dans le cœur. Ce qu’il m’a dit, je le conserve en moi. Je suis las de me battre. Nos chefs sont morts. Looking Glass est mort. Toohoolhoolzote est mort. Les anciens sont tous morts. Ce sont les jeunes hommes qui disent oui ou non. Le chef des jeunes braves [Ollokot] est mort. Il fait froid, et nous n’avons pas de couvertures. Nos petits
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