Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
plantations de coton employant des esclaves noirs. Les colons blancs avaient abattu des forêts tropicales entières afin d’agrandir leurs champs. Les plants de coton avaient épuisé le sol et, en l’absence d’une barrière végétale, le sable apporté par les vents avait recouvert les terres cultivées. Lorsque Colomb avait vu l’île pour la première fois, elle était « très grande et très plate, et les arbres [étaient] très verts… l’ensemble si vert que c’était un plaisir de le contempler. » Les Européens arrivés après lui détruisirent toute cette végétation ainsi que les occupants – hommes et animaux – de l’île. Une fois celle-ci transformée en un véritable désert, ils l’abandonnèrent.
Sur le continent américain, les Wampanoags de Massasoit et du roi Philip avaient disparu, ainsi que les Chesapeakes, les Chickahominys, et les Potomacs de la grande confédération powhatan (seul devait survivre le souvenir de Pocahontas). Les Pequots, Montauks, Nanticokes, Machapungas, Catawbas, Che-raws, Miamis, Hurons, Ériés, Mohawks, Sénécas et Mohegans s’étaient dispersés ou se réduisaient à une poignée de survivants (seul Uncas (3) ne tomberait pas dans l’oubli). La musique de leurs noms allait rester à jamais inscrite sur la terre d’Amérique. Mais leurs os étaient ensevelis sous les cendres de centaines de villages brûlés, enfouis dans des forêts inexorablement détruites par les haches de vingt millions d’envahisseurs. Déjà, l’eau jadis si limpide des rivières, lesquelles portaient souvent des noms indiens, était souillée par la vase et les déchets. La terre elle-même avait subi ravages et pillages. Aux yeux des Indiens, les Européens détestaient tout dans la nature – les forêts pleines de vie, avec leurs oiseaux et leurs animaux sauvages, les clairières à l’herbe verte, l’eau, la terre, et jusqu’à l’air lui-même.
Les dix années qui suivirent l’établissement de la « frontière indienne permanente » furent une période bien sombre pour les tribus de l’Est. La grande nation cherokee avait survécu à plus de cent ans de guerres avec les Blancs, aux maladies et au whisky. À présent, elle était vouée à disparaître. Comme elle comptait plusieurs milliers de membres, il était prévu que son déplacement vers l’Ouest se ferait en plusieurs étapes. Mais avec la découverte d’or dans les Appalaches, sur leur territoire, l’exode immédiat de tous les Cherokees fut réclamé avec véhémence. Au cours de l’automne 1838, les soldats du général Winfield Scott les rassemblèrent et les parquèrent dans des camps. Quelques centaines d’entre eux s’enfuirent dans les Smoky Mountains. Bien plus tard, ils se verraient octroyer une petite réserve en Caroline du Nord. Les autres furent emmenés jusqu’au Territoire Indien. Un Cherokee sur quatre périt de faim, de froid ou de maladie au cours de cette longue migration hivernale – leur « Piste des Larmes ». Dans le Sud, les Choctaws, les Chickasaws, les Creeks et les Séminoles se virent eux aussi contraints d’abandonner leurs terres natales. Les quelques survivants shawnees, miamis, ottawas, hurons, delawares et ceux de tant d’autres tribus autrefois puissantes furent obligés de quitter le Nord à pied, à cheval ou en chariot en emportant leurs maigres possessions, leurs outils agricoles rouillés et leurs sacs de semences de maïs. Et quand ils arrivèrent dans le pays des tribus fières et libres des Plaines, ce fut en réfugiés, en parents pauvres.
Les malheureux venaient à peine de s’installer derrière la ligne protectrice de la « frontière indienne permanente » que les soldats commencèrent à pénétrer le Territoire Indien. Les Blancs des États-Unis – qui parlaient si souvent de paix mais ne la respectaient visiblement que très peu – partaient se battre contre les Blancs du Mexique. À la fin de la guerre en 1847, les États-Unis s’emparèrent d’un immense territoire s’étendant du Texas à la Californie – entièrement situé au-delà de la « frontière indienne permanente ».
En 1848, on découvrit de l’or en Californie. Alors, des milliers de prospecteurs venus de l’Est traversèrent le Territoire Indien à la recherche de la fortune. Les Indiens qui vivaient ou chassaient le long des pistes de l’Oregon ou de Santa Fé s’étaient habitués à voir de temps en temps sur les pistes quelques commerçants,
Weitere Kostenlose Bücher