Enterre Mon Coeur à Wounded Knee: Une Histoire Américaine, 1860-1890
trappeurs ou missionnaires munis d’autorisations.
Mais désormais, ces mêmes pistes étaient encombrées de chariots, des chariots pleins de Blancs qui se dirigeaient pour la plupart vers la Californie et son or, quelques-uns bifurquant vers le sud-ouest en direction du Nouveau-Mexique, ou vers le nord-ouest et la région de l’Oregon.
Pour justifier ces violations de la « frontière indienne permanente », des politiciens de Washington inventèrent le concept de « Destinée Manifeste », donnant ainsi des lettres de noblesse au fait de convoiter des terres. Selon eux, le destin des Européens et de leurs descendants était de dominer toute l’Amérique. Ils constituaient la race dominante et devaient par conséquent prendre en charge les Indiens – et bien sûr leurs terres, leurs forêts et leurs ressources minérales. Seuls les habitants de la Nouvelle-Angleterre s’élevèrent contre de telles idées – il est vrai qu’eux-mêmes avaient déjà chassé ou tué tous leurs Indiens.
En 1850, la Californie devint le trente et unième État de l’Union, ceci sans que les Modocs, les Mohaves, les Paiutes, les Shastas, les Yumas ou les centaines d’autres tribus moins connues qui peuplaient la côte Pacifique ne soient consultés. Lorsque l’on découvrit de l’or dans les montagnes du Colorado, des hordes de prospecteurs déferlèrent à travers les plaines. Deux nouveaux territoires comprenant pratiquement toutes les terres des Indiens des Plaines, le Kansas et le Nebraska, furent constitués. En 1858, le Minnesota acquit, en même temps que le statut d’État, des frontières qui s’étendaient sur plus de cent soixante kilomètres au-delà du 95 e méridien, c’est-à-dire de la « frontière indienne permanente ».
Ainsi, un quart de siècle seulement après l’entrée en vigueur de la loi voulue par Andrew Jackson, alias Couteau-Aiguisé, les colons blancs avaient fait reculer la frontière indienne au nord et au sud, tandis que des colonnes avancées de prospecteurs et de négociants l’avaient enfoncée au centre.
C’est alors que les citoyens des États-Unis se mirent à se battre entre eux – les Bleus contre les Gris. Nous étions au début des années 1860. La guerre de Sécession venait de commencer. En 1860, vivaient dans le pays et dans les différents territoires environ trois cent mille Indiens, la plupart à l’ouest du Mississippi, ce qui représentait, selon les différentes estimations, une diminution de la moitié, voire des deux tiers de leur population depuis l’arrivée des premiers colons en Virginie et en Nouvelle-Angleterre. Les survivants se retrouvaient coincés entre l’océan Pacifique à l’ouest et une population blanche qui ne cessait de s’accroître à l’est – plus de trente millions d’Européens et leurs descendants. Si les quelques rares tribus encore libres s’imaginaient que la guerre civile des Blancs allégerait la pression pesant sur elles, elles n’allaient pas tarder à déchanter.
De toutes les tribus de l’Ouest, la plus puissante et la plus nombreuse en 1860 était celle des Sioux, également appelés Dakotas ou Lakotas, qui se divisait en plusieurs sous-groupes. Les Sioux Santees habitaient dans les forêts du Minnesota et avaient déjà été contraints de céder du terrain devant l’avancée des colons. Little Crow, chef des Santees Mdewkanton, avait visité les villes de l’Est et en était revenu avec la conviction qu’il était impossible de résister à la puissance des États-Unis. La mort dans l’âme, il tentait à présent de persuader ses compagnons de céder aux Blancs. Vabasha, un autre chef santee, s’était lui aussi résigné à l’inévitable, même si, comme Little Crow, il était décidé à refuser toute autre cession de leurs terres.
Plus à l’ouest, dans les Grandes Plaines, vivaient les Sioux Tetons, de grands cavaliers libres comme le vent qui éprouvaient un certain mépris pour leurs cousins santees des forêts et leur capitulation devant les Blancs. Les Sioux les plus nombreux et les plus confiants en leur capacité à défendre leur territoire étaient les Tetons Oglalas. Ils avaient pour chef au début de la guerre de Sécession un remarquable guerrier de trente-huit ans, Red Cloud. Guerrier, Crazy Horse, un Oglala intrépide était à cette époque trop jeune pour l’être.
Il y avait chez les Hunkpapas, un petit sous-groupe des Sioux Tetons, un jeune homme d’une vingtaine
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