Et Dieu donnera la victoire
casques et les armures, certains hérissés de flèches comme saint Sébastien.
– Jeanne, criait La Hire, reviens !
– Cette diablesse, dit Gilles, rien ne peut la retenir.
Ils virent Jeanne arracher la flèche qui s’était plantée dans sa bannière et franchir le fossé pour se mettre à l’abri, l’air maussade, le visage en feu.
– Les Godons se défendent bien, dit-elle, mais nous en serons venus à bout avant la nuit et nous entrerons à Orléans par le pont. C’est ce que mes voix ne cessent de me répéter.
Les ribauds de La Hire hésitaient à retourner au massacre, malgré les encouragements de Jeanne et les menaces de leur chef. Il fallut que Jeanne, de nouveau, se mît à leur tête pour qu’ils se précipitent aux échelles. Une poignée d’assaillants parvint à se hisser sur les remparts et, debout dans les merlons, donnait de la hache avec ardeur, sans qu’aucun pût ouvrir une brèche parmi les défenseurs.
On s’était battu durant des heures sans avancer d’un pouce quand Gilles donna le signal du repos sous les quolibets des Anglais. Jeanne en profita pour examiner de plus près la forteresse. Elle venait de remonter la pente d’un fossé lorsqu’elle poussa un cri sourd et tomba sur les genoux : un vireton d’arbalète venait de se ficher au défaut de la cotte de mailles, entre le sein et l’épaule, la pointe ressortant de l’autre côté.
– Jeanne est blessée ! s’écria La Hire. Aidez-moi à la ramener.
Avec l’aide de Louis de Coutes, il parvint à la transporter à quelques pas et à la mettre à l’abri sous un têtard au bord du fleuve, après avoir appelé un chirurgien.
– Laissez-moi faire, dit le praticien. Par chance, la pointe du vireton n’est pas restée dans la chair. Je vais l’extraire. Toi, ma belle, serre les dents. Tu vas souffrir, mais ça ne sera pas long.
S’aidant d’un poignard, il sépara la pointe de la fusée qu’il retira d’un coup sec.
– La plaie n’est pas belle, dit-il, mais je vais la soigner à ma façon.
– Mon remède à moi, dit La Hire, est plus efficace que le vôtre. Je connais des charmes.
– Non ! protesta Jeanne. Pas de ces pratiques de sorciers. Je veux simplement du lard et de l’huile. C’est ainsi qu’on soigne, chez moi, les coupures faites par la faucille, et...
Elle n’acheva pas sa phrase et perdit connaissance dans les bras de La Hire qui, après l’avoir allongée dans l’herbe, une selle sous la nuque, lui donna les soins qu’elle avait demandés. Puis il se leva et, écartant Gilles, le Bâtard et Jean d’Alençon qui s’étaient approchés, il s’avança vers les remparts d’où tombaient des chants de victoire et des injures à l’adresse de leur victime.
– Allez au diable, chiens de Godons ! leur cria-t-il. La Pucelle n’est pas morte, et ce n’est pas aujourd’hui que vous l’aurez ! Avant ce soir, elle vous aura botté le cul !
Avant ce soir... Il eût fallu dix mille hommes, un matériel de siège, une dizaine de bombardes de gros calibre pour prétendre venir à bout en moins d’une semaine de cette forteresse réputée inexpugnable. La Hire aperçut Glasdale, son ventre en avant, en train de brandir la bannière aux léopards sur les créneaux.
Lorsque Jeanne revint à elle, Gilles essuyait le sang qui coulait sous la tranche de lard, mêlé à de l’huile.
– Vous nous avez fait peur ! dit-il. Mais aussi nous vous avions prévenue de ne pas vous exposer inconsidérément. Je vais demander à votre écuyer de vous reconduire en ville.
– Je veux rester ! fit-elle en se relevant. Je n’ai pas dit mon dernier mot. Où est mon écuyer ? Où est ma bannière ?
– Tu es folle ! bougonna le Bâtard. Après tout ce sang que tu as perdu, tu ne peux pas reprendre le combat. Reste si tu veux, mais tiens-toi tranquille. Imagine que les Godons tentent une sortie...
– Laissez-moi, vous tous ! Je sais ce que je veux et ce dont je suis capable.
Lorsqu’elle se leva, soutenue aux aisselles par le frère Pasquerel et Jean d’Alençon, elle chancela, un vertige dans la tête.
– Louis, dit-elle à son écuyer, prends soin de ma bannière. Vous, conduisez-moi jusqu’à cette vigne, là-bas. Je ne tarderai pas à revenir. Je peux marcher seule.
Elle s’engagea en titubant au milieu des pampres envahissants. Outre que cette vigne n’avait pas été soignée, les Anglais en avaient arraché les piquets pour faire cuire leur pitance. Elle songea à son
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