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Eugénie et l'enfant retrouvé

Eugénie et l'enfant retrouvé

Titel: Eugénie et l'enfant retrouvé Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean-Pierre Charland
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grâce à eux, j’ai un peu moins mal, mais je ne peux pas mettre deux idées l’une à la suite de l’autre... sauf pour me plaindre, évidemment.
    Cet état d’hébétude lui faciliterait sans doute un peu les choses. Thalie commença par éloigner la curieuse table montée sur des roulettes, puis mit une chaise à sa place pour s’asseoir le plus près possible de sa patiente. Elle devait lever les yeux pour voir son visage.

    — Madame Dupire, j’ai une très mauvaise nouvelle pour vous, dit-elle en prenant la main droite de la malade dans les deux siennes.
    Le faciès d’Eugénie se figea. En toute autre circonstance, peu portée sur les contacts physiques, elle aurait retiré sa main. Elle la crispa plutôt sur les petits doigts tièdes.
    — L’opération...
    La suite s’éteignit sur ses lèvres.
    — L’intervention s’est bien déroulée, reprit-elle, l’utérus contenait un myome, comme supposé. Mais le chirurgien a aussi découvert un carcinome...
    Devant les yeux interrogateurs de sa patiente, Thalie se reprit :
    — Un cancer des ovaires.
    — ... Vous ne m’aviez pas parlé de cela !
    La voix chargée de reproches contenait une accusation.
    — Cette maladie ne présente pas de symptômes. Quand on la découvre, c’est soit par hasard, comme dans votre cas, ou parce qu’elle a touché d’autres organes.
    Ce n’était pas tout à fait vrai, parfois une grande fatigue laissait deviner ce genre d’affection. Mais la malade avait elle-même souligné le caractère permanent de son épuisement.
    — J’ai un cancer !
    Eugénie fermait les yeux, son visage maintenant exsangue.
    Elle répéta de nouveau la phrase, comme pour en comprendre le sens. La vérité pénétrait lentement dans son âme.
    — Je vais mourir.
    D’abord formulée sur le mode affirmatif, la phrase devint une interrogation :
    — Je vais mourir ?
    — En toute franchise, madame Dupire, je ne peux vous dire oui ou non. Je ne sais pas. Vos ovaires étaient atteints, le docteur Brown les a retirés, il s’est efforcé d’enlever soigneusement tout ce qui pouvait être cancérigène. Il n’a vu aucune autre trace de la maladie dans votre ventre. Mais ni lui ni moi ne pouvons affirmer qu’il ne reste pas de cellules cancéreuses dans votre corps. La médecine ne nous permet pas de nous en assurer.
    Eugénie retira sa main avec une certaine brutalité. Le geste valait de sa part une accusation de trahison. Deux personnes bardées de diplômes l’avaient assurée que tout irait bien après l’intervention. Elle se retrouvait maintenant avec une sentence de mort au-dessus de la tête.
    — Je suis désolée, madame Dupire.
    — Allez-vous-en, maintenant. Vous m’avez débité toutes vos bonnes nouvelles, je suppose.
    Thalie hésita un moment, puis elle quitta son siège.
    Alors qu’elle rejoignait la porte, elle entendit une plainte de douleur étouffée, un grognement rauque. En se retournant, elle vit la malade tentant de se mettre sur le côté. La coupure sur son ventre avait dû la faire cruellement souffrir lors de ce mouvement inachevé.
    — Madame... commença-t-elle.
    L’autre fit un geste de la main sans la regarder, pour l’inciter à sortir.
    — Je reviendrai demain matin.
    Sur ces mots, elle quitta la chambre pour se rendre au poste de garde. A l’infirmière de faction, elle dit :
    — Mademoiselle, je viens d’annoncer la mauvaise nouvelle à ma patiente.
    — Le cancer ?
    Elle savait déjà. Ce genre d’information circulait toujours très vite au sein du personnel. Cela étonnait les médecins.

    — Oui. Elle est très angoissée. Pouvez-vous me dire ce que vous lui avez déjà donné ?
    La jeune femme lui tendit la prescription du docteur Brown.
    — Je crois utile d’augmenter un peu la dose.
    Elle sortit son stylo-plume et ajouta une petite note sur le bout de papier.
    — Faites vite, elle souffre vraiment. Vous montrerez cela au docteur Brown quand il fera sa ronde, tout à l’heure.
    L’autre acquiesça. Thalie se dépêcha de quitter les lieux, pressée de voir des bébés joufflus ne souffrant de rien de plus grave que des coliques.

    *****
Un peu avant six heures, Thalie frappait à la porte des Dupire. Comme l’étude du notaire se situait dans la rue voisine du cabinet du docteur Caron, le détour la retarderait à peine. Fernand l’attendait. Elise avait pris la peine de l’avertir de cette visite au cours de l’après-midi. La porte s’ouvrit tout de suite devant

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