Fausta Vaincue
immédiatement nécessaire la mort de Valois, raya de son esprit tout le passé, éteignit d’un souffle son rêve de souveraineté pontificale, convint avec elle-même que si elle ne pouvait régner sur la chrétienté elle devait régner sur les deux plus beaux pays du monde chrétien, et résolut d’agir à l’instant même.
Elle sauta à bas de son lit, s’assit devant une glace, chef-d’œuvre des fabriques de Venise, et pendant une heure, par des lotions réitérées, par le secours des fards auxquels elle recourait bien rarement, s’étudia à effacer de son visage ravagé jusqu’à la moindre trace de larmes, jusqu’au dernier vestige de souffrance, de fureur ou de désespoir.
Lorsqu’elle y fut parvenue, elle écrivit une lettre qui fut aussitôt portée à l’hôtel de Guise. Deux heures plus tard, le duc de Guise était au palais de Fausta.
– Je vous écoute, madame, dit le duc de Guise lorsqu’il eut pris place sur le fauteuil que Fausta venait de lui désigner. Mais avant de commencer ce grave entretien, car à la solennité du lieu où vous m’avez conduit, au ton de votre missive, à l’heure où il vous a plu de m’appeler, à votre physionomie enfin, je pense que d’irrémédiables choses vont se dire ici, avant donc que de commencer, princesse, peut-être serait-il bon que je m’assure… que nous sommes bien seuls.
Et Guise, d’un regard, fouilla non seulement les coins d’ombre amassés au fond de la vaste salle presque funèbre dans sa somptuosité, mais aussi le visage de Fausta.
– Oui, dit celle-ci, vous vous souvenez d’un entretien que vous avez eu avec la reine Catherine où vous vous êtes cru bien seul, où vous avez dit tout ce que vous aviez sur le cœur… et vous pensez que peut-être, moi aussi, j’ai aposté derrière un rideau quelque Sixte qui recueillera vos paroles.
Guise protesta du geste.
– Rassurez-vous, reprit gravement Fausta. Nous sommes ici sous le regard de Dieu qui seul peut nous voir et nous entendre…
– Peste ! pensa Pardaillan, me voilà promu au rang de divinité, puisque je suis seul ici à regarder et à écouter !… Eh bien, soit ! Jouons de notre mieux le rôle que nous attribue cette noble dame !…
– Monsieur le duc, continua Fausta, lorsque, voici trois ans de cela, vous vîntes à Rome pour implorer l’assistance de Sixte Quint, Sa Sainteté vous donna sa bénédiction… moi je vous donnai deux millions en vieil or un peu bruni par le temps, mais qui n’en avait pas moins cours… Vous me demandâtes alors ce que je voulais en échange et je vous répondis : « Plus tard, vous le saurez !… »
– C’est vrai, dit Guise en s’inclinant, et ma reconnaissance…
– Ne parlons pas de reconnaissance, duc ; parlons de nos intérêts, des miens, des vôtres… Je continue. A notre deuxième entrevue, vous m’exposâtes vos espérances, ou du moins, à travers vos réticences, je parvins à comprendre quelle noble et haute ambition vous portiez dans l’esprit, et quel tourment vous rongeait depuis de bien longues années. Vous vouliez être roi !…
Guise pâlit et jeta autour de lui des regards inquiets.
– Nous sommes seuls, reprit Fausta non sans une pointe de dédain et d’impatience. Donc, vous vouliez être roi. Et vous n’osiez pas !… Vous aviez la Ligue, mais la Ligue était faible, la Ligue ne demandait pas un changement de dynastie, mais seulement une autre Saint-Barthélémy… Ce que vous n’osiez pas faire, je l’ai fait !… Tous ces fils ténus de la Ligue je les ai rassemblés. J’ai jeté mes agents sur la France. Pendant un an et demi, je vous ai montré les progrès de l’œuvre qui s’accomplissait, et comment on prépare une tempête capable de broyer un trône. En même temps, je vous montrais ce que coûtait chaque homme, chaque dévouement, chaque pensée acquise ; en sorte qu’avec les deux millions que je vous ai remis à Rome, vous savez maintenant que vous m’êtes redevable de dix millions…
– C’est vrai, dit Guise en passant une main sur son front.
– Par dix fois, par vingt fois, vous m’avez demandé ce que j’exigeais en retour. Et je vous ai répondu : « Vous le saurez plus tard !… » Ce long et pénible travail a porté ses fruits, monsieur le duc : la journée des Barricades est mon œuvre. Valois s’est enfui. Et si vous n’êtes pas déjà sur le trône, ce n’est pas ma faute… c’est la vôtre !…
– C’est
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