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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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esquissa un semblant de sourire, et, une fois sur la rive, se dirigea vers le dédale de ruelles qui partaient de la Tamise. Aucune torche n’éclairait les masures et les cabanes qui se blottissaient les unes contre les autres. Il eut l’impression de tâtonner dans un labyrinthe obscur. Pourtant, il savait que Southwark se réveillait la nuit : tueurs, coupe-bourses, souteneurs, vagabonds et autres gibiers de potence rôdaient en quête de victimes parmi les faibles et les désarmés. Les venelles étaient encombrées de toutes sortes d’immondices qui puaient comme les déchets pourris d’un abattoir. Il s’avança dans les ténèbres ; des silhouettes surgirent des porches étroits, mais retournèrent vite se terrer dans leurs trous à la vue de son épée et de son poignard.
    Il finit par dénicher Le Coupe-Jarrets, un bouge infâme d’où s’échappait, par les fenêtres réduites à de simples fentes, un vacarme de tous les diables. Il poussa la porte branlante. L’atmosphère de la salle mal éclairée était fétide. Lorsqu’il s’avança dans la pénombre, le bruit s’éteignit. Il écarta les pans de sa cape, l’assistance prit bonne note de son épée et de son poignard, et les conversations reprirent. Un gâte-sauce à la face replète sous des cheveux graisseux accourut en lui faisant mille courbettes, comme s’il était le roi en personne. La qualité de la cape et la forme élégante des bottes en cuir de Cordoue n’échappèrent pas à son regard cupide.
    — De la bière ? Du vin, Messire ? demanda-t-il d’une voix geignarde. Une fille ? Deux, peut-être ?
    Ranulf lui fit signe d’approcher et l’empoigna par son surcot constellé de taches.
    — Celui que je veux voir, c’est Wormwood ! marmonna-t-il. Et ne me mens pas, gros lard ! Ses compagnons et lui se trouvent ici. On peut louer leurs services, non ?
    Le garçon d’auberge s’humecta nerveusement les lèvres, lorgnant à droite et à gauche comme un rat pris au piège.
    — Ne vous retournez pas ! dit-il entre ses dents. Ils sont dans le coin là-bas. Que voulez-vous, Messire ? Jouer à un jeu de hasard ?
    Ranulf le lâcha.
    — C’est cela... à un jeu de hasard.
    Il l’écarta d’une bourrade et s’approcha d’une table où quatre hommes faisaient rouler des dés fendillés d’un cornet crasseux. Au début, ils firent mine de ne pas le voir, mais bientôt le borgne, assis au coin, leva la tête. Sa bouche tordue et une estafilade sous son oeil valide accentuaient la méchanceté de son étroit visage maigre. Ses cheveux sales, partagés par une raie, tombaient en mèches folles sur ses épaules.
    — Que voulez-vous, jeune seigneur ?
    — C’est toi, Wormwood ?
    — Oui, et vous, qui êtes-vous ?
    — Tu m’as été recommandé.
    — Pour quoi faire ?
    Le truand, imité par ses trois compères, mit ses mains sous la table. Ranulf se fendit d’un grand sourire. Ils avaient vraiment l’air de ce qu’ils étaient : des tueurs à gages, des bandits, des pendards qui n’auraient pas hésité à égorger un bébé pour une piécette. Leurs yeux brillaient de méchanceté dans leurs visages chafouins et mal rasés. Ranulf remarqua que l’un d’eux était blessé à l’épaule : il avait trouvé ceux qu’il cherchait.
    — J’ai du travail pour vous ! leur déclara-t-il. Mais auparavant, j’aimerais jouer une partie de mon or.
    Les mains de Wormwood – et celles de ses compagnons – réapparurent sur la table. Ranulf vit les chiffons autour de leurs doigts et les traces de chaux. Les sicaires avaient chacun leur spécialité : le lacet, l’arbalète... Ces joyeux larrons, eux, se servaient de chaux pour aveugler leurs victimes avant d’attaquer avec poignard et épée. Wormwood étala ses mains entourées de guenilles.
    — Ainsi, Messire, avant de nous engager, vous voulez jouer aux dés.
    Il adressa une grimace de connivence à ses compères.
    — Dame Fortune, mes chers compagnons, nous sourit ce soir. Tavernier ! brailla-t-il, apporte un tabouret, un pichet du meilleur vin et cinq verres ! C’est notre ami, ici, qui régale !
    L’aubergiste s’exécuta avec empressement, mais le visage fermé comme s’il se doutait de la suite des événements. Wormwood secoua le cornet.
    — Allez, Messire, à vous l’honneur !
    Ranulf l’imita et jeta les dés : ce fut un dix. Puis il passa le cornet à l’homme assis à sa gauche. Ils jouèrent à tour de rôle en lançant

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