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Faux frère

Faux frère

Titel: Faux frère Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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incomberait la responsabilité d’informer la redoutable Lady de Lacey de ce qui était arrivé dans sa congrégation.
    Le clerc contempla la salle qu’envahissait l’obscurité. Tant de secrets y avaient été dévoilés qu’elle semblait encore vibrer des passions qui s’y étaient déchaînées. Il se rappela la remarque empreinte de sarcasme de Lady Fitzwarren : « Vous êtes un fin renard, mon garçon ! » Il se dit amèrement : « Non, pas si fin que cela ! » Cet esprit de logique dont il avait toujours tiré fierté l’avait en fait empêché d’y voir clair ! Il avait cru que tout était lié : Warfield, Puddlicott, de Craon, le tueur et les victimes des assassinats. Il aurait dû se rappeler que l’ensemble des parties ne constituait pas forcément un tout et que le hasard, le sort et les coïncidences défient la logique. Les seuls points communs étaient l’abbaye et le palais de Westminster, pratiquement déserts. Il tapota distraitement la table en chuchotant : « Le roi se doit de revenir et de remettre de l’ordre dans sa Maison et son Église. »
    Il sortit de la salle capitulaire, traversa le domaine de l’abbaye et loua les services d’un passeur pour descendre la Tamise. Il pensait encore à Ranulf lorsqu’il poussa la porte de sa demeure et entendit le tohu-bohu de la salle haute : cris et piétinements se mêlaient aux hurlements de sa petite Aliénor et surtout aux chants gallois sauvages et beaux. Il s’appuya contre le mur et se couvrit le visage.
    — Je suis au comble du bonheur ! gémit-il.
    On ouvrit violemment la porte en haut de l’escalier. Corbett se força à sourire. Maeve, au bras d’une haute silhouette bedonnante à la longue chevelure, lui lança :
    — Hugh ! Hugh ! Vous allez être fou de joie ! L’oncle Morgan vient d’arriver !
    Ranulf prit congé de Lady Neville à l’angle de sa rue, dans le quartier de Farringdon. Il effleura de ses lèvres les doigts parfumés de la belle veuve et accepta, d’un signe de tête imperceptible, ses remerciements. Puis il la regarda gagner le pas de sa porte. Elle s’immobilisa, la main sur la gâche, et jeta un coup d’oeil en arrière : pouces passés dans son baudrier et bien campé sur ses jambes, Ranulf n’avait pas bougé. Elle enleva son capuchon, libéra ses cheveux et lui envoya sur sa paume le plus doux des baisers. Un sourire aux lèvres, Ranulf attendit qu’elle fût entrée, réprimant à grand-peine la joie tumultueuse qui lui donnait envie de crier et de verser des larmes d’allégresse.
    Mais il avait d’autres chats à fouetter. Il revint au centre de Londres et se rendit chez un marchand de flèches près de West Cheap avant de se hâter vers Thames Street et les bateaux des passeurs à Queenshithe. Il aurait bien aimé s’arrêter à Bread Street ou aller voir Maltote à St Barthélémy, mais il voulait à tout prix mener à bien la mission qu’il s’était choisie. Si son maître en avait eu vent ou même s’il s’en était douté, il aurait mis tout en oeuvre pour la faire échouer. Ranulf rabattit son capuchon et s’emmitoufla dans sa cape avant de se hisser à bord d’une embarcation à deux rames. Dissimulant son visage, il ordonna sèchement au marinier de le transporter à Southwark, juste en aval du pont de Londres. Et tandis que le passeur affrontait vigoureusement les petites vagues courtes de la Tamise, Ranulf réfléchissait à son plan, la main crispée sur le pommeau de son épée. Il espérait seulement que cette vieille sorcière de Lady Fitzwarren ne lui avait pas menti. Il l’avait menacée de divulguer ses secrets aux prostituées de Londres si elle ne lui fournissait pas les renseignements voulus. Cela avait été le plus facile – la suite serait une autre paire de manches. Southwark, la nuit, était considéré comme l’antichambre de l’enfer et la taverne du Coupe-Jarrets avait une réputation à faire pâlir le diable lui-même.
    Intrigué par le silence de son passager, le marinier crut qu’il allait passer la nuit dans l’un des lupanars qui faisaient la notoriété de Southwark. Il refusa donc de le laisser débarquer avant de lui apprendre par de grands discours comment en avoir pour son argent à l’auberge de La Cloche d’or, là où, pour un penny, les catins se donnaient comme des chiennes en chaleur et où, pour deux pence, elles comblaient tous les désirs d’un honnête homme. Repensant aux pauvres corps mutilés.
    Ranulf

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