Faux frère
malgré le tort terrible qu’il m’a fait.
Un éclair d’animosité brilla dans ses yeux et elle jeta à Corbett un regard courroucé.
— Je suis entrée dans la congrégation de sainte Marthe pour me consacrer aux oeuvres de charité. J’avais sincèrement pitié de ces filles et n’aurais jamais imaginé qu’en les fréquentant je découvrirais des secrets effroyables. Un jour, je parlais à l’une d’entre elles, une jeune à la peau blanche et lisse comme marbre et aux yeux aussi bleus qu’un ciel d’été, un vrai ange de beauté et d’innocence...
Lady Fitzwarren serra les poings.
— ... jusqu’au moment où elle ouvrit la bouche. J’essayais de la raisonner, de lui expliquer le mal qu’elle se faisait à elle-même et aux autres. Je lui confiai à quel point ma vie avait été dure en tant qu’épouse d’un connétable du roi.
Lady Fitzwarren retroussa les lèvres en un rictus vindicatif :
— Cette vipère me fit répéter mon nom, et plus d’une fois encore, tout en riant à perdre haleine.
Lady Fitzwarren s’arrêta un moment et fixa la table.
— Et ensuite, Madame ? insista Corbett.
Les yeux qu’elle darda sur lui n’étaient plus que deux fentes de pure méchanceté et Corbett sentit qu’elle glissait dans la démence.
— Cette putain troussa ses jupes et s’exhiba devant moi ! « Regardez, Lady Fitzwarren ! criait-elle. Votre digne époux m’a caressée ici et là, m’a couverte de baisers et m’a possédée parce que vous, vous étiez incapable de lui donner du plaisir ! »
Lady Fitzwarren passa les mains sur son visage en chuchotant :
— Je n’arrivais pas à le croire. Mais elle me fit une description précise de mon époux : sa peau, la couleur de ses cheveux, sa démarche, son allure, et même ses jurons familiers. Selon cette garce, mon mari ne se contentait pas de ses faveurs, mais recherchait celles d’autres femmes de son acabit. Je ne trouvais aucun argument à lui opposer, car, lorsque nous venions à Londres, il s’absentait souvent pour telle ou telle mission – ou du moins, c’est ce qu’il prétendait !
Lady Fitzwarren eut un bref ricanement.
— Moi, l’épouse de celui qu’elles avaient si bien servi, je m’étais mise à leur service ! Cette dévergondée trouvait cela si drôle ! Elle était montée sur un tabouret et relevait ses jupes, faisant étalage de ses charmes répugnants. Il y avait un couteau sur la table. Je ne sais ce qui s’est passé. Je l’ai pris et l’en ai frappée. Elle a hurlé, je l’ai tirée en arrière par les cheveux et lui ai tranché la gorge.
Lady Fitzwarren croisa le regard de Corbett.
— Comment était-il tombé aussi bas ? s’étonna-t-elle d’une voix rauque. Comment en était-il venu à fréquenter ces créatures et à livrer mon nom en pâture à ces filles des rues ? Oh ! je ne suis pas sotte, enchaîna-t-elle. Les paroles de cette misérable me dessillèrent les yeux. Je ne cessais de penser à la négligence dont mon mari avait fait preuve envers moi. Et cela fut comme une gangrène. Pourtant, la mort de cette prostituée avait agi comme une purge, purifiant mon sang et éclaircissant mes idées. Alors je frappai à nouveau. Et chaque fois, je me revêtais d’un habit pris dans le vestiaire de l’abbaye.
Elle eut un sourire moqueur.
— Ces moines trop bien nourris ne soupçonnèrent jamais rien. J’eus vent des orgies nocturnes et décidai de me servir de ces rumeurs. Je pensai également à mon cher époux et jurai que tous les mois, au jour anniversaire de sa mort, une prostituée perdrait la vie.
Elle porta à ses lèvres des mains aux jointures blanchies.
— J’avoue que j’y ai pris plaisir. Mon plan était méticuleusement calculé : je choisissais ma victime et organisais son meurtre dans les moindres détails.
De ses doigts glacés, elle toucha la main du clerc.
— Et vous, mon garçon, qui êtes si fin renard, avez parfaitement raison. De temps à autre, les choses tournaient mal. La fille Agnès m’aperçut. La sotte ! Elle croyait bien se cacher dans l’ombre, mais je vis briller ses bijoux de pacotille et son visage d’idiote qui m’épiait.
Lady Fitzwarren se frotta les joues.
— Sa mort ne présenta aucune difficulté, contrairement à celle de Lady Somerville. En général, je vérifiais l’état de l’habit et le nettoyais moi-même, mais un jour, je commis une erreur. Vous comprenez, n’est-ce pas, Corbett ? Le sang
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