Fiora et le Magnifique
l’anneau,
symbole de l’engagement, et pas d’échange de cadeaux. Les jeunes gens ne viendraient
pas tendre, à travers sa rue, le ruban ou la guirlande de fleurs cependant que
l’un d’eux, le plus beau, viendrait lui offrir un bouquet, après quoi le fiancé
pourrait rompre le fragile obstacle. Il n’y aurait pas de cavalcade de dames
pour escorter la mariée jusqu’au Duomo tandis que, dans la loggia del Bigallo,
près du Baptistère, les trompettes sonneraient le triomphe de l’amour. Il n’y
aurait pas de grand banquet au son de
la
musique, pas de bal, pas de noix jetées sur le dallage près de la chambre
nuptiale pour empêcher que l’on entende ce qui s’y passait, pas de
plaisanteries, pas de rires, pas de chante-fables pour égayer la société, pas
de romances...
Tout
allait se passer dans la grande villa que Beltrami possédait à Fiesole, de
nuit, et comme en secret pour que les Médicis ignorent ce mariage qui pouvait
offenser leurs amitiés et leur choix politique. Et puis Philippe était pressé.
Il aimait trop Fiora pour accepter de s’éloigner d’elle sans s’être assuré qu’aucun
autre homme, jamais, ne pourrait la lui prendre...
– Il
en eût été de même après des fiançailles, avait fait remarquer la jeune fille,
et même sans aucun autre engagement qu’une parole. Il eût suffit que vous me
demandassiez d’attendre. J’aurais attendu... ma vie entière.
– Peut-être
m’attendrez-vous durant votre vie entière. Je peux être tué, Fiora, et ne
jamais revenir. C’est pourquoi j’ai voulu ce mariage dont la rapidité vous
effraie peut-être. Je veux, en repartant, être certain que vous êtes à moi.
Regrettez-vous tant les fastes d’un mariage au grand jour ?
– Je
regretterais surtout que vous n’ayez pas cette hâte. Je regretterais si je ne
vous aimais pas...
Tout
était dit. Depuis une heure, Beltrami et son futur gendre étaient enfermés dans
le cabinet du négociant avec un notaire qui était un ami sûr. Ils discutaient
le sévère contrat que Beltrami entendait assurer à sa fille. Dans sa chambre,
Fiora était livrée aux soins de ses femmes. Léonarde, le visage hermétique, et
Khatoun dont les doigts tremblaient d’excitation l’avaient revêtue d’une grande
robe de satin blanc toute brodée d’or. Dans la masse de ses cheveux, haut
coiffés, elles avaient piqué des étoiles d’émeraudes et tressé une fine
guirlande d’or et, au bord du décolleté, entre les seins juvéniles, Léonarde
avait agrafé une chimère aux yeux d’émeraudes dont les ailes étendues étaient
diaprées des mêmes pierres. Tout à l’heure, elles poseraient sur sa tête le
grand voile que l’on avait fait bénir le matin même au monastère voisin, selon
la règle...
Depuis
qu’on lui avait annoncé le mariage de Fiora, la vieille gouvernante n’avait
presque pas desserré les dents mais elle avait passé de longues heures à l’église.
A Fiora qui lui reprochait de ne pas montrer plus de joie de la voir s’unir à
un grand seigneur de la Bourgogne qui était son pays à elle, Léonarde avait
répondu :
– Je
sais que c’est un grand seigneur et je connais bien le château de Selongey qui
est une puissante forteresse et une noble demeure. Je sais que vous épousez un
homme vaillant et qu’auprès de lui vous aurez une haute position. Je sais...
– Savez-vous
que je l’aime... et qu’il m’aime ?
– Il
faut bien qu’il en soit ainsi pour bâcler un mariage en deux jours et, je vous
l’avoue, je comprends mal votre père, un homme si sage, si mesuré, de donner
son accord à pareille...
– Folie ?
Il faut croire que mon père sait que d’une folie apparente peut naître un grand
bonheur.
Léonarde
n’avait rien répondu mais elle avait rougi un peu. Mieux que quiconque, elle
savait que Francesco Beltrami était capable d’actes apparemment insensés et
elle avait essayé de lui parler mais, se dérobant à une explication, le
négociant avait été impossible à atteindre, comme s’il fuyait. Aussi, la
vieille dame avait-elle choisi le silence... mais Khatoun parlait pour deux.
La
petite Tartare ne cessait de vanter la magnificence du fiancé et de prédire à
sa jeune maîtresse un univers d’amour partagé que pour chanter, en s’accompagnant
d’un luth, toutes les chansons de son répertoire. Elle avait, sans hésiter,
promis de ne révéler à personne ce qui allait se passer et Fiora savait qu’elle
se ferait
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