Fiora et le Magnifique
affreux
sentiment de frustration, cette douloureuse tension charnelle ? Les
souvenirs qu’il gardait d’autres épousailles lui répondirent par la négative et
il eut honte des pensées qui l’avaient envahi, des images que son imagination
enfiévrée lui avait montrées. Si Fiora avait été réellement son enfant tout
ceci lui eût sans doute été épargné mais elle n’était pas sa fille selon la
chair et lui-même réagissait comme un homme à qui l’on vient de prendre la
femme qu’il aime. C’était Marie qu’il perdait pour la seconde fois...
Cette
nuit-là, le sage Francesco Beltrami but un peu plus que de raison en attendant
le jour, ce jour triomphal qui lui apporterait la fin du cauchemar, qui verrait
partir sans espoir de retour le Bourguignon détesté et qui lui laisserait Fiora
pour tout le temps qui lui resterait à vivre. Pour l’instant, il était trop
pénible de s’avouer que c’était cette seule circonstance qui l’avait incité à
accepter la demande insensée de Selongey. Le comte n’aurait qu’une seule nuit.
Lui, il aurait toute la vie, ce qui n’eût jamais été possible avec un époux
florentin...
Pendant
ce temps, dans la grande chambre d’apparat doucement chauffée, parfumée et ornée
de fleurs et de feuillages, Léonarde et Khatoun préparaient Fiora pour la nuit.
Elles défirent l’édifice compliqué de sa coiffure puis peignèrent, brossèrent,
lustrèrent ses longs cheveux noirs jusqu’à ce qu’ils fussent aussi brillants,
aussi doux que du satin. Elles la dépouillèrent de ses bijoux, de sa robe
somptueuse, de son linge, massèrent doucement son corps et ses jambes d’une
huile légère et parfumée qui sentait la forêt et l’herbe fraîchement coupée.
Puis, la prenant chacune par une main, elles la conduisirent nue jusqu’au grand
lit à colonnes drapé de velours pourpre à crépines d’or qui, massif comme un
autel de sacrifices, occupait tout le centre de la pièce.
Elles
l’étendirent entre les draps soyeux que l’on avait bassinés après avoir étalé, sur
l’oreiller, ses cheveux en une noire et brillante auréole. Puis Léonarde alluma
la veilleuse du chevet, embrassa Fiora sur le front et ferma les rideaux du lit
avant de se retirer avec Khatoun qui chantonnait en s’accompagnant de son
luth...
Le son
de l’instrument s’éteignit peu à peu et Fiora, le cœur battant follement dans
la poitrine, demeura seule dans la lueur rougeoyante de la veilleuse...
Elle n’eut
pas longtemps à attendre. Il y eut le léger grincement de la porte, un bruit de
pas atténué par les tapis, enfin le glissement des rideaux écartés à deux
mains. Fiora ferma les yeux mais les rouvrit presque aussitôt ne voulant perdre
aucune image de cette nuit unique. Elle vit Philippe. Debout auprès du lit, les
mains encore accrochées aux courtines de velours, il la regardait et ses yeux
étincelaient dans son visage bronzé. A l’exception d’un court caleçon blanc, il
était nu et la flamme vacillante de la lampe à huile faisait vivre les muscles
puissants mais sans lourdeur de ses cuisses, de sa poitrine, où frisait une
courte toison, et de ses bras.
Fascinée,
Fiora le regardait, pensant qu’il était plus beau encore que cette statue d’Hermès
dont Lorenzo de Médicis était si fier mais, déjà, il avait saisi le drap et la
couverture et d’un geste vif les rejetait au pied du lit... Les joues soudain
brûlantes, Fiora referma les yeux attendant qu’il parlât, qu’il dît quelque
chose, n’importe quoi, qu’il fit un geste mais Philippe ne se pressait pas. Il
avait pris la veilleuse et l’élevait au-dessus du corps nerveusement raidi de
la jeune fille. Il vit qu’elle tremblait et sourit :
– De
quoi as-tu peur ? Ton miroir ne t’a-t-il jamais dit que tu étais belle ?
... Si belle ! ... si douce ! ...
Il
reposait la veilleuse et, se laissant tomber à genoux, posa ses lèvres sur le
ventre de Fiora qu’un long frisson parcourut. Il le sentit et eut un rire léger :
– Bel
instrument, murmura-t-il en enveloppant d’une longue caresse les jeunes seins
frémissants, quel merveilleux chant d’amour je vais pouvoir jouer sur toi...
Sans
quitter sa pose agenouillée, il couvrit tout son corps de baisers légers,
léchant doucement les pointes roses qui se dressaient sous ses lèvres cependant
que ses mains exploraient les courbes des hanches, les plans soyeux du ventre
tendu. Sa bouche suivit ses mains, descendit,
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