Fiora et le Magnifique
de plus ! C’est le printemps et il fait
beau. Laissez-moi rêver encore !
Il
retourna vers son cheval, et la petite troupe chargée de gros bouquets et de
branches embaumés redescendit vers la ville tandis que l’un des garçons
chantait une romance en l’honneur du printemps. On reprit le refrain en chœur,
on rit beaucoup mais Fiora ne réussit pas à se mettre au diapason. A mesure que
l’on avançait, la tristesse qui s’était emparée d’elle à San Miniato s’accentuait.
S’y joignait une impression de danger imminent. Superstitieuse comme toute
bonne Florentine, elle songea que Philippe était à la guerre donc en perpétuel
danger mais que, peut-être, il courait en ce moment un péril plus grave et son
amour à elle le ressentait comme une prémonition... Bientôt, toute cette gaieté
qui l’entourait lui fut insupportable et quand on eut passé le Ponte Vecchio
où, à cette heure du jour, les boutiques des bouchers étaient fermées, elle
prétexta un soudain malaise et, sans permettre même à Chiara de la raccompagner
-ne fallait-il pas qu’au moins une des cueilleuses allât porter les fleurs ?
– elle reprit avec Léonarde et Khatoun le chemin de la maison. Elle avait hâte
de rentrer, à présent, sans pouvoir dire d’où lui venait cette impatience. C’est
tout juste si elle répondit au joyeux salut que lui adressait Gian-Battista di
Rinaldo, un batelier du fleuve que Beltrami avait sauvé de la ruine et dont
elle était marraine d’un des enfants.
– Il
ne faut pas lui en vouloir, cria Léonarde désireuse d’effacer ce que le brave
homme pouvait considérer comme une offense, donna Fiora est souffrante et je la
ramène à la maison !
– Que
Dieu la bénisse et lui rende la santé. On priera pour elle ce soir, chez nous !
– De
toute façon, quelques prières ne nous feront pas de mal, marmotta Léonarde en
couvant Fiora de son regard inquiet. Que vous arrive-t-il, mon enfant ? Vous
êtes réellement malade ? Il est vrai que vous êtes bien pâle...
– Oui...
non... je ne sais pas. Mais il faut que je rentre. Je voudrais voir mon père !
– Vous
vous tourmentez parce qu’il vous a dit ce matin qu’il se sentait un peu fatigué ?
Je crois que vous exagérez...
Fiora
ne répondit pas. A quoi bon ? Si elle disait qu’elle avait le
pressentiment qu’un malheur l’attendait au palais, Léonarde avec son solide bon
sens s’efforcerait de lui démontrer qu’elle avait tort. D’ailleurs on
arrivait...
– On
dirait que votre père a des visiteurs ! remarqua Léonarde en désignant une
mule élégamment harnachée de rouge et deux autres plus modestes qui attendaient
placidement attachées près du montoir à chevaux. Dieu me pardonne ! Je
crois bien que c’est là l’équipage habituel de votre cousine Hieronyma. Que
vient-elle faire ? Ses visites n’amènent jamais rien de bon, ajouta la
gouvernante qui gardait en mémoire les menaces formulées contre Fiora dans la
boutique de l’apothicaire Landucci.
– En
effet, dit Fiora, mais nous n’allons pas tarder à le savoir.
Sautant
à terre sous la voûte du palais, Fiora jeta sa bride à un valet et traversa
rapidement la cour intérieure où, en effet, attendaient la suivante habituelle
de Hieronyma et l’un de ses valets. Elle monta l’escalier en courant et heurta
presque le vieux Rinaldo qui était le serviteur particulier de Francesco
Beltrami après avoir été celui de son père.
– Où
est mon père ? demanda-t-elle.
– Dans
la salle de l’Orgue, donna Fiora, mais il n’est pas seul.
– Je
sais avec qui il est. Merci Rinaldo ! ... dit la jeune femme un peu
surprise car la salle en question, comme le studiolo, était l’un
des endroits privilégiés où le négociant aimait se retirer. Il avait appris
tout enfant à jouer de l’orgue et, de temps en temps, il s’isolait dans cette
grande pièce qui, avec ses murs peints à fresques et son dallage de marbre sans
tapis, avait la résonance d’une chapelle. Qu’il y reçût une cousine qu’il
aimait peu était tout à fait inhabituel mais peut-être avait-il été surpris par
l’arrivée inattendue de la dame.
Quand
elle approcha de la porte, Fiora entendit des éclats de voix et ralentit son
allure. S’il se disputait avec Hieronyma, Beltrami ne serait peut-être pas
content de voir arriver sa fille... Alors, doucement, tout doucement, la jeune
femme entrouvrit la porte et la voix de son père, vibrante de
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