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Fiora et le Pape

Fiora et le Pape

Titel: Fiora et le Pape Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Juliette Benzoni
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faisait
guère que se déplacer autour de la forteresse papale et, si elle y aboutissait
finalement, c’est qu’elle avait été destinée de tout temps à y prendre place.
Tant d’efforts pour en arriver là ! C’eût été presque à pleurer de rire si
l’épisode qui s’était joué chez Anna la Juive n’avait inspiré à la jeune femme
d’étranges réflexions. Pourquoi donc la comtesse Catarina avait-elle insisté
pour l’emmener chez elle, alors qu’elle se disposait à quitter Rome ? Pourquoi
surtout l’avait-elle écoutée et suivie ? La femme de Riario pouvait aussi
bien la mettre au courant du danger menaçant les Médicis et lui apporter les
moyens de les prévenir sans pour autant l’emmener chez elle ? Avait-elle
agi par réel souci de sa santé, ou pour la conduire d’une main plus sûre dans
un piège savamment tendu ? Un piège dans lequel il était impossible de
faire entrer Khatoun. La petite Tartare n’avait certainement rien à se
reprocher, sinon peut-être d’avoir confié à sa nouvelle maîtresse le nom de
cette amie qu’elle allait visiter ?
    Le
cortège déboucha enfin sur une terrasse surmontée d’un chemin de ronde crénelé
où veillaient des canons. Un corps de garde, éclairé de l’intérieur, diffusait
une lumière jaune qui n’enlevait rien au côté sinistre de l’endroit. Une faible
lumière, une veilleuse sans doute, paraissait aux fenêtres du gouverneur devant
le logis duquel deux soldats, appuyés sur leurs lances, étaient à demi
assoupis, menaçant à chaque instant de s’affaler sur le tas de boulets de
pierre qui attendaient une hypothétique attaque. Sur tous ces bâtiments
régnait, haut dressé dans le ciel et presque sous les pieds de l’Archange, le
logis réservé au pape au cas où des événements désagréables le contraindraient
à chercher un refuge. Une loggia allégeait la muraille et lui donnait une
tournure plus aimable.
    L’apparition
du comte Riario réveilla corps de garde et sentinelles. Sachant que le
gouverneur, assez gravement malade, gardait le lit, il demanda le
sous-gouverneur, un Albanais nommé Jorge que l’on courut chercher.
    Il
apparut en quelques instants, et Fiora pensa qu’elle avait rarement vu figure
plus patibulaire. Cela tenait moins au visage grêlé, aux cheveux gras, au nez
aplati sur une moustache de Mongol et à la bouche trop humide, qu’aux minces
fentes derrière lesquelles filtrait l’inquiétante luisance d’un regard. Cet
homme était cruel et faux. Quant au salut qu’il offrit au neveu du pape, c’était
un chef-d’œuvre d’obséquiosité.
    – Tu
étais aux prisons, remarqua celui-ci. A cette heure de la nuit ?
    – Oui.
On a pris tout à l’heure un nouveau Français, un pèlerin soi-disant. Il était
dans une taverne du Campo dei Fiori. Le patron a prévenu le Soldan qui l’a
arrêté, non sans mal d’ailleurs : il a fallu douze hommes pour en venir à
bout car il en avait assommé trois.
    – Curieux
pèlerin ! Pourquoi a-t-on appelé le Soldan ?
    – L’homme
posait des questions. Il cherchait une femme de son pays, venue prier au
tombeau de l’Apôtre, paraît-il, et qui a disparu depuis plusieurs mois. Une
femme... très belle.
    Riario
saisit Fiora par le bras pour la tirer dans la lumière de la torche :
    – Comme
celle-ci, peut-être ?
    L’autre
étira ses lèvres pour donner quelque chose qui ressemblait à un sourire.
    – J’en
jurerais ! Tu l’as retrouvée enfin, seigneur ?
    – Pas
sans mal. Aussi je te l’amène pour que tu me la gardes en attendant que le
Saint-Père demande à la voir. Quant à ton Français, si j’ai bien compris, tu
étais en train de lui poser, à ton tour, des questions ?
    – C’est
ça tout juste, seigneur ! Tu veux venir voir ?
    – Nous
allons y aller tous les deux ! N’est-ce pas, Madame la comtesse ? Cela
peut être intéressant.
    Le
mouvement de recul de Fiora fut facilement maîtrisé. Riario la tenait et la
tenait bien. Bon gré mal gré, il lui fallut suivre l’Albanais dans un étroit
escalier qui plongeait vers les profondeurs de l’énorme tour. Son cœur était
étreint d’une angoisse qu’elle avait peine à maîtriser à l’idée que, dans un
instant, on allait la faire entrer, selon toute vraisemblance, dans une chambre
de torture pour y assister au supplice d’un Français, et d’un Français qui sans
doute la cherchait. Même si elle ne le connaissait pas, elle allait au-devant

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