Fiora et le Pape
nous avoir unis. Je serai désormais votre sœur et une sœur qui
fera tout au monde pour vous aider.
Une
larme brilla dans les yeux bleus du garçon qui, à son tour, posa un baiser
prudent sur la joue de la jeune femme. Puis sur un « bonsoir »,
chacun gagna le lit par un côté.
Un
moment plus tard, les époux, se tournant le dos, dormaient d’un sommeil bien
mérité où entrait une bonne part de soulagement, chez l’un comme chez l’autre.
Troisième partie LES PÂQUES
SANGLANTES
CHAPITRE XI LA ROUTE DE
FLORENCE
La fin
du jour approchait quand Fiora, méconnaissable sous un costume masculin, franchit
enfin cette porte del Popolo sur laquelle, depuis tant de jours, se
cristallisaient ses désirs et ses espérances. Tout s’était passé comme dans un
rêve, mais avec la précision d’un ballet bien réglé : le départ matinal de
Pazzi et de Hieronyma venus frapper pour un « au revoir » à la porte
du jeune couple, mais auxquels le marié avait répondu par des injures et la
colère d’un homme arraché trop tôt à son sommeil. Puis la galopade à deux vers
la fenêtre pour être bien certains que les Pazzi avaient quitté le palais du
Borgo, après quoi Fiora regagna son lit, tandis que Carlo allait enfin ouvrir
la porte de la chambre en réclamant à grands cris son déjeuner et son valet.
Ensuite, il y eut l’arrivée de l’émissaire de la comtesse Riario demandant la
première visite de la nouvelle donna Fiora dei Pazzi, visite que Carlo accepta
en grognant et en clamant qu’il irait aussi. Après quoi, étant partis sur des
mules en petit appareil – quatre valets et Khatoun – pour le palais de Sant’Apollinario,
Fiora, abritée sous un voile épais supposé cacher la trace des sévices endurés
durant sa nuit de noces, et Carlo, la mine grognonne, marchant en tête sans
cesser de faire cent folies qui faisaient sourire certains passants et hausser
les épaules à d’autres.
Arrivé
chez Catarina, qui, en effet, était seule, Carlo réclama à boire et on le
conduisit, avec révérence, dans l’appartement de Girolamo, tandis que Fiora et
Khatoun étaient menées dans la chambre de la jeune comtesse.
Une
chambre somptueuse, en vérité, toute tendue de brocart azuré et de toile d’argent,
encombrée d’une infinité de coffres peints, de sièges et de tables au milieu
desquels trônait un énorme lit tendu de la même toile d’argent et couronné de
bouquets de plumes bleues et blanches. Catarina, noyée dans de précieuses
dentelles, reçut les visiteuses avec le cérémonial qui convenait, puis congédia
les femmes de son service, ne gardant auprès d’elle que Rosario, sa camériste
préférée en qui elle avait toute confiance.
Une
heure plus tard, Khatoun, grandie par de hauts patins vénitiens, portant la
robe de Fiora et enveloppée du fameux voile, quittait le palais en compagnie de
Carlo qui avait vidé – le plus souvent dans des pots d’orangers – un certain
nombre de flacons. Pendant ce temps, cachée dans l’alcôve ménagée derrière le
lit de Catarina, Fiora endossait le costume de daim brun et le tabard armorié
frappé de la vipère des Sforza et de la rose des Riario qui avaient été
préparés pour elle avec de hautes bottes de cuir souple, un ample manteau de
cheval et un haut bonnet emplumé sous lequel ses cheveux, serrés dans une
résille, disparurent complètement.
Quand
elle fut prête, Catarina lui remit une bourse pleine d’or, dont Fiora distribua
une partie dans ses vêtements, et une lettre signée d’un simple C.
– Elle
est pour Lorenzo, précisa-t-elle. Je ne veux pas que les Médicis me croient
complice des Pazzi... et de mon époux. Quand vous serez au-delà de Sienne,
enlevez le tabard et enterrez-le ou cachez-le dans un buisson épais. Prenez
garde aussi de ne pas rencontrer ceux qui sont partis ce matin. Vous trouverez
dans la bourse un itinéraire qui devrait vous garder de ce désagrément. A
présent, embrassez-moi et que Dieu vous garde ! Je vous enverrai Khatoun
qui reviendra ici cette nuit dès que ce sera possible.
Avec
une émotion profonde, Fiora avait posé ses lèvres sur le beau visage de cette
jeune femme qui, malgré un mariage détesté, réussissait à demeurer fidèle à
elle-même et au nom qu’elle entendait porter toute sa vie. Elle l’avait fait
sans arrière-pensée et sans inquiétude : en dépit de son jeune âge,
Catarina Sforza était capable de se tirer des pires
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