Fiora et le roi de France
plus d’or encore, mais ne laissez
pas périr Florence !
Un
mince sourire étira les lèvres épaisses de Louis XI en même temps que ses mains
se mettaient à applaudir vigoureusement :
– Bravo !
Quelle comédienne vous faites, donna Fiora ! En vérité, je pourrais m’y
laisser prendre. C’est très tentant !
Ce
dédain souriant brisa Fiora plus sûrement que ne l’eût fait une violente
colère. Elle se laissa tomber à genoux :
– Alors
tuez-moi, Sire ! Tuez-moi sur l’heure... mais ne m’insultez pas ! Sur
cet enfant que je vous réclame avec des larmes, je jure que cette lettre n’est
pas de moi !
– Vous
oubliez que vous m’avez déjà écrit ? La comparaison est facile...
– Un
faux ne le serait-il pas ? Le pape et sa clique sont capables de tout et
les copistes habiles ne manquent pas... Comment... avec quels mots, en quelle
langue puis-je vous jurer que je n’ai jamais écrit ce... cette ordure ?
Soudain,
une idée lui vint, montée des profondeurs de sa mémoire :
– Sire !
Quelqu’un était auprès de moi quand j’ai écrit la lettre que l’on me
demandait...
– Et
qui donc ?
– Dame
Léonarde, qui m’a élevée sans doute, mais que je n’ai pas rencontrée depuis
plusieurs semaines et dont je ne sais ce qu’elle est devenue. Je l’avoue, j’ai
eu beaucoup de mal à rédiger cette épître, non à cause des sentiments d’amitié
et de reconnaissance que j’y laissais parler, mais parce que je savais qu’essayer
de vous inciter à mettre fin à la guerre était hors de mon pouvoir. Comment m’auriez-vous
reçue si j’avais tenté d’intervenir dans votre politique ?
– Très
mal. Je vous aurais priée de vous mêler de ce qui vous regardait... Dame
Léonarde, dites-vous ?
– Oui,
Sire !
Il
frappa dans ses mains, ce qui réveilla tous les chiens et fit apparaître le
valet qui avait introduit Fiora. L’appelant auprès de lui d’un geste impérieux,
il lui murmura quelques mots à l’oreille. L’homme fit signe qu’il avait compris
et ressortit aussi vite qu’il était venu. Le roi semblait un peu calmé, mais
mordait sa lèvre inférieure en considérant la jeune femme toujours agenouillée
entre un épagneul blond et une levrette blanche qui formaient avec elle une
figure héraldique d’une surprenante beauté :
– En
tout cas, fit-il au bout d’un instant, il vous est déjà arrivé de m’adresser au
moins une lettre mensongère. Vous souvenez-vous de celle que vous écrivîtes
avant de partir pour Paris ? Si ce n’est pas un tissu de mensonges, je
veux bien être pendu !
Fiora
baissa la tête sans répondre se souvenant des paroles d’Olivier le Daim. Si le
barbier savait qu’elle avait donné le jour à une petite fille, le roi
certainement le savait aussi.
– Je
le confesse, Sire. J’ai menti.
– Ah !
fit-il d’un ton de triomphe. Il arrive tout de même que vous l’admettiez ?
Alors dites-moi à présent où vous étiez durant ce long hiver ?
Fiora
releva la tête : elle n’allait pas à présent renier ses entrailles, même
si cet aveu devait lui coûter la vie.
– A
Paris d’abord, et en cela je n’ai pas menti. Puis à Suresnes, dans un petit
domaine appartenant à mon vieil ami Agnolo Nardi, le frère de lait de mon
père... J’y ai donné le jour à une petite fille dont Agnolo et son épouse
Agnelle vont désormais s’occuper.
– Ah !
Nous y voilà ! s’écria le roi qui jaillit de son siège comme si un ressort
y était caché et se mit à marcher de long en large devant sa cheminée. Une
petite fille ! Et de qui cette enfant ? Ne prenez pas la peine de me
le dire, je vais le faire pour vous : elle est de votre époux, Philippe de
Selongey, qu’en dépit de ce que vous racontiez vous avez rejoint secrètement.
Et c’est en cela que cette maudite lettre ne ment pas ! Vous avez bel et
bien pris langue, comme vous l’annonciez, « avec des éléments rebelles »,
en d’autres termes votre cher époux, mais évidemment il vous était difficile de
m’annoncer que vous étiez enceinte alors que j’ignorais où se trouvait ce démon
de Selongey. C’est pourquoi vous êtes allée vous cacher... Vous voyez que je
sais tout !
Abasourdie,
Fiora se laissa tomber assise sur ses talons au mépris de tout protocole :
– Qu’est-ce
que cette ânerie ? s’écria-t-elle avec plus de sincérité que de politesse.
Moi, je me serais donné la peine de cacher la naissance
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