Fiora et le roi de France
de sa prison. Une seule consolation : Louis
XI aimait et respectait trop les enfants pour faire du mal au sien. Philippe
était certainement encore mieux traité que sa mère. Mais que les heures parurent
lentes durant les huit jours qu’elle dut passer en la seule compagnie de son
geôlier !
Fiora
s’obligeait à une tenue irréprochable, à une minutieuse toilette chaque matin,
à porter du linge et une robe propres. La femme de Grégoire se chargeait du lavage
et du repassage. C’était une façon comme une autre de garder sa propre fierté ;
ensuite, elle ne voulait pas être surprise en négligé lorsque, enfin, on
viendrait la chercher pour la conduire devant son juge... ou devant ses
juges...
Au
soir du neuvième jour, Grégoire accourut, tout essoufflé :
– Le
roi, Madame la comtesse ! Le roi ! Il arrive ! ... Fiora le
savait déjà. Elle avait entendu les roulements
de
tambours, les trompettes d’argent et tout le bruit que peut produire une forte
troupe de cavaliers, surtout quand elle est escortée de chiens et du
déménagement que représentait alors le moindre déplacement d’un souverain. Et
son cœur avait battu plus fort. Enfin, enfin, elle allait savoir de quoi on l’accusait !
Cependant
deux jours, deux jours encore plus interminables que les autres, s’écoulèrent
sans qu’elle pût savoir si l’on avait l’intention de s’occuper d’elle ou si on
n’allait pas simplement l’abandonner au fond de sa prison.
Ce
soir-là, après une courte toilette et ses prières, elle se coucha le cœur
infiniment lourd, ne sachant plus que penser. Son esprit tendu lui refusait le
sommeil. Allongée dans son lit, triturant nerveusement la longue natte noire
qui glissait sur sa poitrine, elle écoutait les heures sonner au petit couvent
qui, dans la première cour, jouxtait les murs du château proprement dit. Comme
tous les prisonniers, elle vivait par ce que lui apportaient ses oreilles...
Soudain, elle sursauta et s’assit brusquement : on était en train d’ouvrir
sa porte, alors qu’il ne devait pas être loin de minuit.
En
effet, Grégoire parut, armé d’une lanterne et, avant qu’il eût repoussé le
battant, Fiora put voir qu’au-dehors, il y avait au moins deux hallebardiers
éclairés par des torches...
– Vite,
vite ! s’écria Grégoire. Passez un vêtement, Madame, le roi vous demande !
Fiora,
sautant à bas de son lit, se trouva nez à nez avec la figure effarée du
geôlier, la lanterne qu’il levait éclairant leurs deux visages.
– A
cette heure ? fit-elle.
– Oui.
Grâce à Dieu vous ne dormiez pas ! Mais je vous en supplie, pressez-vous !
En
hâte, Fiora enfila une robe, se chaussa et, renonçant à se coiffer, noua un
voile autour de sa tête. Le tout ne demanda pas plus de deux minutes et elle se
dirigea vers la porte où, en effet, l’attendait un piquet de soldats. Deux
marchèrent devant elle, deux la suivirent et, dans cet équipage, elle descendit
les deux étages qui séparaient sa prison du niveau du sol avant de déboucher
dans la cour d’honneur, vide et silencieuse à cette heure tardive. On n’entendait
que le pas cadencé des sentinelles de garde sur les murailles et les bruits de
la campagne proche. La nuit était belle, claire, pleine d’étoiles et Fiora,
après sa réclusion, en respira les fraîches odeurs avec un plaisir inattendu.
Gomme cela sentait bon le tilleul et le chèvrefeuille !
A l’exception
d’une lumière brillant dans l’appartement du roi et de deux torches allumées à
l’entrée de la tourelle octogone où se logeait l’escalier, le Plessis était
plongé dans l’obscurité. Un chien aboya, quelque part de l’autre côté de la
Loire, et, dans l’intérieur même du château, un autre chien, puis deux, puis
trois lui répondirent.
Quelques
instants plus tard, la porte de la chambre royale devant laquelle veillaient
deux Ecossais s’ouvrit sous la main d’un valet qui invita Fiora à entrer et s’éclipsa
aussitôt, refermant sur lui le vantail de chêne ouvragé.
•
Emmitouflé, en dépit de la température assez douce, dans une houppelande de
drap noir fourrée de martre, un bonnet de laine enfoncé jusqu’à ses épais
sourcils, Louis XI était assis dans sa grande chaire de bois garnie de
coussins, au coin de la cheminée monumentale où brûlait un feu clair. Avec le
chandelier de fer forgé à cinq branches posé près du roi, ces flammes
fournissaient tout l’éclairage de
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