Fiora et le roi de France
délimité par des cordes de soie reliant
quatre lances fichées en terre, avait été préparé. Le combat, en effet, aurait
lieu à l’épée et à la dague afin que l’on sût bien qu’il ne s’agissait pas d’un
tournoi. Sous ce beau soleil matinal, les tentures bleu et or donnaient tout de
même à ces préparatifs un air de fête.
Cependant,
des ordres avaient dû être donnés pour qu’à l’exception de son escorte armée,
Fiora ne rencontrât personne. Dans la chapelle, ne se trouvaient qu’un vieux
prêtre et son acolyte devant qui elle s’agenouilla pour suivre pieusement l’office
divin et recevoir la Sainte Communion. Après quoi, par le même chemin, on la
ramena dans sa chambre, sans rencontrer davantage âme qui vive. Le château, en
dehors des sentinelles qui veillaient aux murs d’enceinte, semblait plongé dans
une profonde torpeur.
Un repas
léger de miel, de lait, de pain et de beurre l’attendait, et elle en consomma
une bonne partie pour s’assurer qu’aucune défaillance ne viendrait la trahir.
Le combat devait avoir lieu en fin de matinée, à la dernière heure avant le
milieu du jour, et il ne restait plus beaucoup de temps. Aussi vérifia-t-elle
sa coiffure, puis elle se
lava
les mains. Elle était prête maintenant à subir son sort quel qu’il fût... Et
elle se sentait l’âme en paix. Il ne lui fallait plus qu’un peu de courage et
elle pensa à sa mère. Marie de Brévailles, montée à l’échafaud le sourire aux
lèvres. Il est vrai qu’elle partait avec celui qu’elle aimait et les choses en
avaient sans doute été facilitées. Elle allait devoir mourir seule sans montrer
de faiblesse. Fiora pensait qu’elle le devait au nom qu’elle portait, à la
mémoire de ses parents réels comme à celle de son père adoptif.
L’aspect
de la cour cernée par les bâtiments rose et blanc du château lui parut bien
différent de ce qu’il était un peu plus tôt lorsqu’à l’heure prescrite, elle
fut conduite à la place préparée pour elle : un siège élevé d’une marche
situé à la droite et un peu à l’écart de la tribune royale, à présent emplie d’hommes
vêtus de sombre entourant le fauteuil surélevé de Louis XI. Si celui-ci portait
encore le collier de Saint-Michel, ses vêtements, par extraordinaire, étaient
de velours noir comme le chapeau orné de médailles dont le bord baissé à l’avant
accusait la ligne de son nez.
Fiora
le salua comme il convenait, puis se dirigea vers sa place. C’est alors
seulement qu’elle aperçut le bourreau. Tout vêtu de rouge, sa longue épée sur l’épaule,
il avait dû prendre la suite du petit groupe quand il avait quitté la prison,
mais Fiora ne l’avait pas remarqué.
En
dépit de son courage, elle se sentit pâlir quand il s’installa à deux pas d’elle,
les mains appuyées sur la poignée de l’arme dont la pointe était plantée en
terre. Alors, elle s’obligea à regarder droit devant elle l’espace délimité par
les cordes de soie. L’un des côtés, vers l’entrée du château, restait ouvert,
mais, à l’exception de ce passage, la lice était entourée par une file de
gardes écossais dont les armures polies étincelaient au soleil sous la cotte d’armes
aux fleurs de lys. Hélas, Mortimer n’y figurait pas, et pas d’avantage Philippe
de Commynes dans la troupe réduite des conseillers du roi. Aucun public en
dehors de ceux-ci, même la herse était baissée entre les deux cours du Plessis.
Enfin, debout devant la tribune elle-même adossée au logis royal, il y avait le
grand prévôt, juge du combat... Auprès de lui quatre trompettes et, un peu plus
loin, quatre tambours habillés de crêpe noir.
Tristan
l’Hermite se tourna lentement vers le roi qu’il salua avec la raideur d’un
vieux soldat :
– Plaise
au Roi d’ordonner que les combattants entrent en lice ?
D’un
signe de tête et d’un geste de la main, Louis XI approuva. Un instant plus
tard, annoncés par un roulement de tambour, Luca Tornabuoni et Olivier le Daim
effectuaient leur entrée et venaient mettre genou en terre devant le souverain.
Tous deux avaient revêtu la tunique de cuir et la demi-armure qui convenaient
au combat à pied. Derrière eux, un écuyer portait deux épées et deux dagues.
Leurs cuirasses leur avaient été prêtées car ils n’en possédaient pas, du moins
en France pour Tornabuoni, dont les armoiries avaient été peintes sur le petit
bouclier qui lui servirait à se
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