Fiora et le roi de France
maison aux pervenches. S’il ne pouvait aller
lui-même à Lignières, il trouverait le moyen d’y envoyer Florent. Quant au
moment de le rencontrer, Léonarde n’était pas en peine, elle le voyait souvent
quand elle descendait Philippe au jardin où le petit garçon avait la permission
de se promener.
Le
combat devait avoir lieu le mardi 29 juin, fête de saint Pierre et saint Paul.
Avec sa parfaite connaissance du calendrier, Louis XI avait choisi ce jour-là
parce que le pape, successeur de saint Pierre, semblait plus ou moins impliqué,
en la personne de son neveu, dans cette sombre histoire. Le roi ne manquait
jamais une occasion de se concilier le ciel ou de l’appeler à son secours. De
son côté, Léonarde, presque aussi pieuse que le souverain, avait ajouté les
deux princes des Apôtres à la longue liste des hôtes du Paradis qu’elle
invoquait chaque jour pour la paix et le bonheur de « son agneau »...
Néanmoins,
à mesure que glissaient les jours, le sommeil fuyait Léonarde. Elle avait écrit
sa lettre et Archie Ayrlie s’en était chargé volontiers. Encore avait-elle dû
prendre mille précautions pour n’être vue de personne en la lui remettant dans
le jardin, le seul endroit où elle bénéficiât de quelque liberté. Elle n’avait
pas revu l’Écossais par la suite et ne possédait aucun moyen de savoir si sa missive
était parvenue à bon port.
En
effet, Léonarde se trouvait elle-même soumise à une sévère surveillance, ne
pouvant quitter son logement que sous la garde d’un archer et en compagnie du
petit Philippe. Il lui était défendu de sortir seule. Et, en dehors de ce garde
qui la menait chaque jour à la prison rejoindre Fiora ou au jardin pour les
sorties du petit garçon, elle n’avait de rapports qu’avec les deux servantes
chargées de la servir. Pas une seule fois elle ne rencontra le roi dont,
cependant, l’écho des trompes de chasse retentissait souvent dans la cour d’honneur.
De ses fenêtres, elle pouvait apercevoir ceux qui entraient ou sortaient, mais
comme elle ne les connaissait guère, ces allées et venues ne lui apprenaient
pas grand-chose. Alors, quand elle n’était pas auprès de Fiora et que l’enfant
dormait, elle passait des heures à regarder, dans l’austère bâtiment d’en face,
la petite fenêtre barrée d’une croix de fer qui éclairait la prisonnière et
elle priait, elle priait pour qu’un homme de bien, un chevalier digne de ce nom
accepte de jouer sa vie afin que la jeune femme ne perde pas la sienne...
Pour
sa part, Fiora s’inquiétait beaucoup moins, parvenue à une sorte de fatalisme
qui lui ôtait toute crainte de cette mort – celle-là même qu’avaient subie son
père et sa mère – à laquelle il lui restait peu de chance d’échapper. Elle n’en
voulait même pas à Louis XI du jeu cruel qu’il avait inventé. Le roi, elle le
savait, craignait d’autant plus la mort qu’il avançait en âge et, si son
courage physique demeurait entier quand il allait en guerre, l’assassinat
sournois, perfide, lui causait une véritable frayeur. Peut-être parce que,
depuis dix-huit ans qu’il régnait – et même avant lorsqu’il n’était qu’un
dauphin farouchement hostile à son père Charles VII – son intelligence aiguë
lui avait permis d’éviter maints traquenards, trahisons et chausse-trappes. Or,
la malheureuse lettre évoquait son assassinat. Au fond, le roi avait montré une
grande mansuétude en proposant ce duel judiciaire, il aurait pu faire exécuter
en secret la pseudo-coupable ou l’envoyer pourrir, les os brisés, au fond de
quelque oubliette...
Alors,
Fiora s’efforçait de rejeter loin d’elle l’évocation de ce jour menaçant pour
se consacrer tout entière à son fils. Elle n’avait pas vécu longtemps auprès de
lui et le découvrait avec délices, s’enchantait de sa beauté et de sa précoce
intelligence.
N’ayant
jamais’ vu autour de lui que des sourires et n’ayant reçu que des caresses, c’était
un enfant très gai. En dépit d’un caractère déjà affirmé, il rayonnait d’une
grande joie de vivre et débordait de tendresse pour sa mère qu’il appelait
parfois « ma belle dame ».
Afin d’expliquer
le fait que Fiora ne l’accompagnait jamais au jardin, on lui avait dit qu’elle
venait d’être malade et qu’il lui fallait un grand repos. S’il avait accepté l’explication
sans la combattre, il ne parvenait à comprendre pourquoi sa mère ne vivait
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