Fiorinda la belle
baron de Rospignac. Les deux chefs se trouvèrent donc face à face, puisqu’ils se cherchaient avec le même indomptable désir d’en finir une fois pour toutes l’un avec l’autre.
Les deux fers s’engagèrent. La passe d’armes fut assez brève. Beaurevers ne s’attarda pas. Tout de suite, il prépara son fameux coup par une série de feintes et se fendit à fond en lançant de sa voix claire :
« Le beau coup de beau revers ! »
Rospignac tomba à la renverse en vomissant des flots de sang. Un instant, il s’agita en soubresauts convulsifs, talonnant l’herbe de la prairie. Puis il demeura raide, figé dans l’éternelle immobilité.
Ainsi finit Rospignac qui avait rêvé de devenir vidame de Saint-Germain, duc de Ferrière, Premier ministre de France et peut-être plus encore. Il n’eut en somme pas à se plaindre, ce fut là une fin des plus honorables pour lui.
La mort de Rospignac refroidit ses acolytes. D’autant plus qu’ils voyaient fort bien qu’ils avaient affaire à des escrimeurs plus forts qu’eux et qu’après s’être tirés d’affaire par miracle jusque-là, ils ne sortiraient pas indemnes de cette dernière rencontre. Aussi furent-ils très heureux de prendre au mot Beaurevers lorsque, avec sa générosité accoutumée, il leur cria :
« Allez-vous-en !… Nous vous faisons grâce ! »
Et ils se hâtèrent de gagner au pied.
Beaurevers, Ferrière et Fiorinda et les quatre braves se dirigèrent vers la porte de Nesles. Et personne ne se présenta pour leur barrer le passage.
Comme ils passaient devant la rue de Seine, ils entendirent derrière eux le bruit d’une explosion formidable. Ils se retournèrent d’un même mouvement et virent une énorme colonne de feu jaillir du bastillon du Pré-aux-Clercs.
Beaurevers :
« Il restait six barils de poudre… Quelque badaud aura laissé tomber une étincelle. Et voici le bastillon qui flambe. Demain, il n’en restera plus que des décombres fumants… comme pour votre maison, devant laquelle nous venons de passer, Fiorinda. »
ÉPILOGUE
Deux jours après l’explosion du bastillon, le père de Beaurevers, l’illustre mage Nostradamus, sa mère et sa fiancée elle-même, Florise, arrivèrent à Paris.
Fiorinda retourna à la maison de la rue des Petits-Champs.
La veille de l’arrivée de la famille de Beaurevers, celui-ci se présenta chez le vidame et l’emmena au Louvre où le roi, lui dit-il, voulait le voir. Ils y trouvèrent Ferrière. Le père et le fils se trouvèrent face à face pour la première fois depuis longtemps, en présence du roi et de Beaurevers.
« Monsieur, dit François en s’adressant au vidame, je vous rappelle que vous avez donné votre consentement au mariage du vicomte de Ferrière, votre fils, avec celle que je lui ai choisie pour épouse.
– Je ne m’en dédis point, Sire, répondit le vidame… à condition que le vicomte accepte.
– Cela va sans dire, sourit François. Mais le vicomte acceptera, j’en réponds. »
Et comme Ferrière esquissait un geste de protestation, il ajouta vivement :
« Vous parlerez tout à l’heure, monsieur… quand vous aurez vu votre fiancée. »
Il frappa aussitôt sur un timbre.
La reine Marie Stuart parut. Elle conduisait elle-même, de sa royale main, Fiorinda rougissante, en habit de cour somptueux, qu’elle portait avec une aisance incomparable, comme si elle n’avait fait que cela de toute sa vie.
François alla au-devant de la reine, prit Fiorinda par la main et la mena devant le vicomte en disant :
« Voici madame la comtesse de Chaprose, que je vous propose pour épouse. »
Et avec un air malicieux :
« Si toutefois vous voulez bien l’accepter pour telle. » Ferrière tomba à genoux, saisit la main du roi et la porta à ses lèvres en bégayant :
« Ah ! Sire, pouvez-vous le demander ?…
– Là, triompha François en se tournant vers le vidame émerveillé, que vous avais-je dit ? »
François tint la parole qu’il avait donnée au vidame : lui et la reine Marie Stuart assistèrent au mariage du vicomte de Ferrière avec Fiorinda, devenue comtesse de Chaprose, de par la volonté du roi, et ils ouvrirent le bal.
Le duc de Ferrière se démit de sa charge de vidame de Saint-Germain et se retira dans ses terres avec son fils et sa bru. Ce qui était le meilleur moyen de se faire oublier de la vindicative Catherine. Ils y vécurent heureux et, comme dans les contes de fées, ils eurent
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