Fiorinda la belle
n’étant pas dans les confidences de son maître. Mais la mauvaise bête se faisait un plaisir de tourmenter et inquiéter son prisonnier.
Oui, mais Beaurevers avait entendu Catherine. Beaurevers savait qu’on ne le soignait ainsi que pour le livrer effectivement au bourreau et le faire mourir de la mort lente choisie par Catherine. Beaurevers qui sentait que ses forces revenaient tous les jours et qui s’était fait plus malade qu’il n’était en réalité pour reculer l’instant fatal, dans l’espoir d’un miracle, Beaurevers crut que la brute disait vrai, que cet instant était arrivé.
La mort ne l’effrayait pas. Mais la torture… et une torture conçue par Catherine et appliquée par elle, sous sa surveillance… Tout fort et vaillant qu’il était, il ne pouvait réprimer un frisson en y songeant.
Et Beaurevers se dit qu’il fallait coûte que coûte, et au plus vite, se tirer de là. Quand même il devrait y laisser sa peau. L’essentiel était de se soustraire au supplice.
La brute, ayant fini de préparer sa compresse, vint s’accroupir au chevet du malade.
Alors, Beaurevers allongea le bras, saisit l’homme à la gorge et serra…
L’homme se débattit, s’agita, essaya de s’arracher à la puissante étreinte…
Beaurevers serra plus fort…
L’homme fit entendre un râle, s’affaissa lourdement, demeura immobile.
Beaurevers sauta sur ses pieds avec une agilité qui attestait que depuis quelque temps déjà il s’entraînait à rendre la souplesse à ses membres. Autant, du moins, qu’il était possible de le faire dans cet étroit espace. Et il se pencha à son tour sur l’homme en murmurant :
« Diantre, aurais-je serré trop fort ?… Après tout, ce pauvre diable m’a soigné. »
Il constata que l’homme n’était pas mort.
« Allons, dit-il, il en reviendra. »
L’homme avait la rapière au côté, la dague à la ceinture. Beaurevers prit le tout et le vérifia. Il sourit :
« On peut encore faire de la bonne besogne avec cela. »
Il ceignit la rapière avec une satisfaction visible. Il fouilla l’homme : il cherchait sur lui la clef des caves. Il ne la trouva pas, naturellement. Il prit la torche, sortit du caveau, s’orienta, trouva l’escalier, monta quelques marches. Et il aperçut alors la clef dans la serrure. Il se dérida. Il allongea la main vers la clef pour ouvrir et il réfléchit tout haut :
« Toute la question est de savoir combien ils sont là-haut pour me garder. S’ils ne sont pas trop nombreux, peut-être pourrai-je passer… alors, nous réglerons ce compte-là, baron de Rospignac… Mais s’ils sont trop ?, eh bien, je charge quand même… que diable, je recevrai bien le coup qui m’arrachera au supplice rêvé par M me Catherine. Allons. »
Il allongea de nouveau la main. Il s’arrêta encore, réfléchit :
« Minute, ne nous pressons pas… C’est curieux, maintenant que je sors pour ainsi dire de la tombe, maintenant que je me sens une bonne rapière et une bonne dague au côté, il me semble que la vie a du bon… Esquiver le supplice par la mort, c’est bien. Mais esquiver le supplice et la mort, il me semble que c’est mieux… Je ne sais pas combien ils sont là-haut… Mais je sais bien que je suis seul… et point sûr du tout de mes forces. Dans ces conditions, il me semble que je puis sans honte chercher à éviter un combat inégal. Avant de faire un coup de folie, fouillons ces caves… Qui sait si je ne trouverai pas moyen de tirer au large sans avoir à en découdre ? »
Il redescendit les marches, la torche à la main, et s’éloigna.
S’il était resté quelques secondes de plus, il aurait entendu les voix de ses compagnons s’exclamer de dépit derrière la porte fermée. Il eût reconnu ces voix amies et il se fût empressé de leur ouvrir.
Il ne trouva l’issue par laquelle il avait espéré se glisser dehors. Il avait songé aux soupiraux. Ces soupiraux étaient si étroits qu’un enfant de dix ans n’aurait pas pu passer par là. Encore aurait-il fallu arracher préalablement les solides barreaux dont ils étaient garnis.
Mais il trouva dans un petit caveau un certain nombre de bouteilles correctement rangées sur des casiers. Il en décoiffa une et la vida d’un trait. Il se sentit mieux, plus fort, ragaillardi.
Dans un autre caveau où il pénétra, sa torche à la main, il vit une douzaine de petits tonnelets alignés debout, les uns à côté des autres. Il s’en
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