Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
Vom Netzwerk:
semblable ?
    — Elle
ne l’a point fait, dit le Baron-boucher avec un tranquille aplomb. Je le dirai
au capucin, en atténuation de mes crimes.
    — À
quoi riment ces clabauderies ? s’écria mon père avec impatience. Et que
veux-tu de moi, sanglant coquin ?
    Forcalquier
baissa la voix :
    — Qu’après
ma confession, vous m’acheviez d’un coup de dague au cœur.
    — Non
point ! dit mon père.
    — Si
fait ! dit Forcalquier.
    Il
regarda mon père de son œil noir où brillait une flamme de ruse, et dit :
    — Moussu
lou Baron, la ville n’a pas cent sols vaillants, et vous doit déjà mille écus.
Elle ne pourra jamais vous compenser la dépense, le risque et les pertes de
votre expédition. Moi, je le peux.
    — Toi !
    — J’ai
une picorée de trois mille écus, cachée et bien cachée par moi et moi seul dans
le logis des capucins, et dussiez-vous la chercher cent ans, vous ne la
trouverez mie sans mon aide.
    — J’y
vais penser, dit mon père d’un ton abrupt en lui tournant le dos.
    Samson
et moi courant presque derrière lui, il retourna à grands pas vers la charrette
et, prenant Puymartin à part, il lui parla à l’oreille.
    — Que
pensez-vous de cet étrange marché ? dit-il à voix chuchotée. Certes, je
n’aime guère les supplices barbares que nos lois autorisent. Je suis d’avis,
cependant, de refuser.
    — Je
suis d’avis d’accepter, dit Puymartin. Que me chaut le supplice de ce coquin en
place publique de Sarlat ? Il amusera le populaire et chatouillera les
demoiselles, mais ne mettra pas un seul sol vaillant dans mes coffres, lesquels
la sécheresse a merveilleusement mis à sec. Je ne suis point tant riche que
vous, ugonau.
    — Ce
n’est pas tant que nous soyons plus riches, dit mon père avec un sourire. C’est
que nous dépensons moins. Cependant, je répugne à ce marché. Si le bruit venait
à s’en répandre...
    — Qui
le saurait, le marchand étant mort ? Divisons cette picorée en trois parts
inégales. Douze cents pour vous, douze cents pour moi, et six cents pour
Campagnac, puisqu’il n’était point là, et n’a point les mêmes risques courus.
Mespech, est-ce que jamais un coup de dague vous aura autant rapporté ?
    Mon
père résista encore quelque peu, mais comme quelqu’un qui voulait être à la fin
convaincu, sa conscience huguenote, au contraire d’une conscience catholique,
ne pouvant céder, en matière si délicate, que par degrés.
    — Mes
droles, dit-il en s’éloignant, et en nous passant, à Samson et à moi, un bras
par-dessus l’épaule, vous serez là-dessus muets comme des tombes. Il y va de
l’honneur.
    — Certes,
dis-je, assez troublé que mon père employât, en l’occurrence, le mot
« honneur ».
    — Pour
moi, dit Samson avec un grand soupir, je suis content que ce pauvre gueux ne
soit pas supplicié de la façon qu’il a dite.
     
     
    La
cachette révélée, la picorée mise en lieu sûr, mon père appela les deux
capucins et leur demanda leur office. Tandis qu’ils confessaient Forcalquier,
il se mit hors de portée d’ouïe, mais observant de loin le visage du Baron-boucher,
il s’approcha des capucins quand ils eurent terminé, et dit au plus âgé :
    — Mon
frère, cet homme a l’air heureux, comme si, à la minute de sa mort, il allait
être porté par les anges droit au Paradis, et assis au plus près de
Jésus-Christ.
    — Et
de la Sainte Vierge Marie, dit le capucin non sans malice, à laquelle il a
voué, de son vivant, un culte fervent.
    — Je
le sais. Mais d’où lui vient cette assurance ? Si c’est par les œuvres que
l’homme fait son salut, comme l’enseigne votre Église, de quelles œuvres peut
se prévaloir Forcalquier, sinon de ses assassinats ?
    Le
capucin, qui avait le cheveu blanc, mais l’œil très noir et fort vif, regarda
mon père.
    — Il
est vrai : Forcalquier est pauvre en œuvres, mais il est riche en foi. Et
comme vous savez, monsieur le Baron, la grâce opère par des voies qui ne nous
sont pas pénétrables.
    — Je
le crois aussi, dit mon père.
    Et
comme il restait silencieux, le capucin reprit :
    — Va-t-il
mourir ? Il m’a eu l’air assez gaillard, malgré ses navrements.
    Mon
père haussa les épaules.
    — N’est-ce
pas plus charitable d’expédier ces gueux à la chaude que de les garder pour la
question, la hart et les supplices ?
    — Oui-da,
dit le capucin en jetant un regard fort vif à mon père, si la charité est

Weitere Kostenlose Bücher