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Fortune De France

Fortune De France

Titel: Fortune De France Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Robert Merle
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Consuls y ont fait faire.
    — Ils
te doivent un dédommagement.
    — Que
je n’aurai mie, la ville étant ruinée. Mais peu importe le logis, puisque je
n’ai plus de quoi y mettre ni une femme ni aucun de mes quatre beaux enfants de
cinq à dix ans d’âge, de la beauté de celui-ci, dit-il en désignant Samson qui,
à ce récit, pleurait lui aussi.
    Et
à le mieux considérer, en effet, Petremol avait le poil presque aussi rouge que
son âne, et assez bel homme lui-même, malgré son affaissement, sa barbe mal
taillée et la souffrance qui lui rongeait la face.
    — Et
où vas-tu présentement ? dit mon père.
    — Me
pendre, si je n’avais mon âne qui m’aime et me mène où il veut. C’est lui qui
m’a conduit ici, car il y avait une amie, autrefois. Mais à Sarlat, comme à
Montignac, on n’a plus besoin de bourrelier, pour ce qu’on a mangé tous les chevaux
durant la contagion. Et mon âne n’a pas retrouvé son amie : on a dû la
manger, elle aussi.
    — Eh
bien, Petremol, dis à ton âne tant bravet de te conduire à Mespech. Nous y
avons des chevaux bien vifs, abondance de peaux à tanner, des selles à faire et
des harnais à revoir, et pour toi, s’il te convient, le feu, le pot, le logis,
nombreuse compagnie, et même une ânesse pour ton âne.
    Et
sans attendre acquiescement ni merci, mon père tourna bride et piqua si soudain
que je me retrouvai à la queue de la petite troupe, chevauchant au botte à
botte avec Coulondre Bras-de-fer qui, me regardant, se racla la gorge comme
s’il allait parler. J’en fus tout saisi et, trottant à sa hauteur, je le
considérai, non sans appréhension, car bien savais-je qu’il n’ouvrait la bouche
que pour vous tordre le cœur.
    — Ainsi,
dit-il enfin d’une voix basse et funèbre, et en serrant quelque peu les dents,
c’est tout gagné, une fois de plus. L’un s’en va. L’autre arrive. Et celui-là,
qui vaut son pesant d’or, n’est ni bigle ni bègue, Dieu soit loué.
     
     
    Nos
garces firent de grands cris et lamentations quand notre troupe passa les trois
ponts-levis de Mespech avec un mort sur la charrette. À Maligou et Alazaïs, la
frérèche confia le soin de lui ôter son corselet, sa vêture, ses bottes, de
laver son corps sanglant, et de le plier en un linceul devant que de l’exposer
sur un lit au premier étage de la tour nord-est, en cette même pièce où les
frères Siorac avaient dormi pendant leur quarantaine.
    Selon
l’us, les contrevents furent clos et un calel allumé. Maligou, qui avait déjà
mangé, prit le premier tour de garde. Mais le mort fut bientôt visité par
Faujanet, qui vint lui prendre ses mesures pour un cercueil. Ayant une oreille
dans laquelle verser ses clabauderies, la Maligou se plaignit à voix basse que
le culte des messieurs lui interdît de placer un crucifix entre les doigts du
mort.
    — Et
belle jambe ça lui ferait ! dit Faujanet entre ses dents, la remarque de
la Maligou dérangeant ses angoisses.
    Car
c’était le deuxième cercueil, depuis son arrivée à Mespech, qu’il façonnait (le
premier pour ma mère). Et fort troublé en son for intérieur, il se demandait
si, en vertu du pouvoir des nombres, il n’aurait pas, sous peu, à en faire un
troisième.
    — C’est
que ça ne laisse pas d’être la coutume, dit la Maligou, qui ne voyait pas
comment Marsal le Bigle allait pouvoir monter au Ciel sans crucifix dans les
mains.
    — Le
certain de la chose, poursuivit tout haut Faujanet, en reprenant une deuxième
fois ses mesures, c’est que si je suis le troisième à mourir, ce n’est pas moi
qui ferai mon cercueil.
    Faujanet
fut pris de contentement de s’être avisé de cela, et poussant la logique plus
avant, il y trouva une idée rassurante pour son propre avenir, et, tournant
alors son attention vers le mort, il commença à le plaindre.
    — Ce
pauvre Marsal, qui ce matin était si vif, et avait si grand appétit à manger sa
soupe.
    Il
disait « ce pauvre Marsal » et non Marsal le Bigle par révérence pour
le mort, dont les yeux clos ne montreraient plus jamais leur travers.
    — Ce
pauvre Marsal, reprit en écho la Maligou, quand je me pense, il était bien
bravet, bien vaillant au travail, sobre comme Jésus, peu porté sur le cotillon
(défaut chez un vif, vertu chez un mort), et si ça se trouve, les messieurs
vont l’enterrer comme ils ont fait Madame : fort sèchement, selon la
nouvelle opinion.
    — Quand
je pense, dit Faujanet, que ce pauvre

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