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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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c’est arrivé, et depuis il n’est plus le même.
    — Mais a-t-il dit ou fait quelque chose de particulier, à la mort de mon père ?
    Je vis Lucrèce hésiter. Un autre serviteur s’était posté non loin, prêt à satisfaire ses moindres désirs. Elle lui fit signe de partir.
    — Il a déclaré «  Alea jacta est  ».
    Les dés sont jetés. Les mots que Jules César aurait prononcés au bord du Rubicon, juste avant d’envahir Rome et de s’en proclamer le maître.
    Étant destinée à devenir une grande dame, Lucrèce recevait une éducation et parlait déjà plusieurs langues, dont le latin. Elle avait donc certainement compris son père, mais il n’était guère probable qu’un autre membre d’ il harem ait saisi de quoi il retournait. Malgré son état d’agitation, le Cardinal avait cherché instinctivement à dissimuler sa pensée.
    Moi aussi j’avais été éduquée et moi aussi je comprenais la phrase, je ne la comprenais que trop. Cela ne m’empêcha pas de demander :
    — Quels dés ? Que voulait-il dire ?
    Elle lança un petit pain aux bichons maltais et haussa les épaules.
    — Peut-être sauras-tu me le dire, toi.
    Pour inexpérimentée que je fusse à ce jeu de l’intrigue, je savais qu’il me fallait donner une information en retour, sinon il était inutile d’espérer la voir se montrer disponible à l’avenir.
    Lentement, j’énonçai :
    — Je pense que cela signifie que mon père était en train d’accomplir quelque chose pour Il Cardinale, et qu’il n’y avait aucune marche arrière possible.
    — Mais quelle « chose » ? demanda Lucrèce. (Cette jeune fille qui, si je ne m’abusais, aimait sincèrement son papa, plissa le front d’inquiétude.) C’est bien là la question, n’est-ce pas ?
    Comme j’aurais aimé que cela soit vrai, mais s’il me restait jusque-là quelques doutes concernant l’énormité de ce que mon père avait entrepris, ils avaient disparu. Il avait servi un homme qui ne trouverait pas le repos tant que le trône de Saint-Pierre ne serait pas à lui. Mais plus encore, il s’était profondément attaché à un peuple dont le seul espoir de survie reposait sur le fait d’en chasser le présent occupant de la seule manière possible : la mort.
    Si mon père n’était plus là, tout le reste demeurait : Borgia et son ambition démesurée ; les juifs, au bord du précipice et tout prêts d’y tomber ; et moi, pauvre de moi, qui avais entrepris de venger un assassinat seulement pour découvrir qu’on tentait de m’en faire commettre un autre, dont les conséquences se répercuteraient dans toute la chrétienté, et pour lequel j’allais damner mon âme pour l’éternité.

8
    E n revenant du palazzo Orsini, j’appris que j’avais obtenu un bref sursis. Le Cardinal était parti pour ses bureaux à la curie, non sans avoir auparavant exprimé son mécontentement quand il m’avait fait appeler et qu’on ne m’avait trouvée nulle part. Il revenait dans l’après-midi ; j’étais censée me tenir à disposition. C’est du moins ce dont Vittoro m’informa tout en secouant la tête en signe de remontrance.
    — Vous avez profité de Jofre, me tança-t-il à propos du jeune garde que j’avais contraint à m’accompagner. Maintenant je suis obligé de le mettre de corvée de latrines pendant une semaine.
    — Je suis désolée, répliquai-je sans une once de contrition. Mais j’ai emmené une escorte avec moi, et c’est bien ce qui importe le plus, n’est-ce pas ?
    Le capitaine de la garde poussa un soupir mélancolique.
    — Francesca, vous savez parfaitement que c’est ce que le Cardinal décide qui importe, et rien d’autre. Je vous conseille de ne pas vous aviser de le décevoir à nouveau.
    Un avis dont je ferais bien de me souvenir, mais l’état d’agitation dans lequel je me trouvais ne facilitait pas la tâche. En pareil cas (à ma décharge, je suis très rarement ainsi), le fait de m’occuper m’est d’une grande aide.
    Par conséquent, je me plongeai dans le travail que j’avais à faire ce jour-là, inspectant des provisions, vérifiant l’étanchéité de scellés, observant les domestiques en train de vaquer à leurs tâches. Y en avait-il un ou une, parmi eux, qui semblait particulièrement nerveux ou emprunté ? Y avait-il eu un quelconque changement dans la routine habituelle ? Un quelconque signe, pour anodin qu’il fût, de complot en préparation contre le Cardinal ?
    Pendant ce

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