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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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une seconde.
    — C’est moi qui le lui ai dit.
    — Oserais-je demander pourquoi ?
    Borgia se laissa aller dans son grand fauteuil, étendit les jambes, et me considéra de façon presque bienveillante. J’ajoute « presque », car rien de ce qui avait trait à cet homme ne l’était jamais véritablement.
    — Pourquoi crois-tu que je l’aie fait ? rétorqua-t-il.
    Il se jouait de moi, manifestement, mais il y avait autre chose. J’avais beau avoir vécu dix ans sous son toit, je n’en demeurais pas moins une sorte d’étrangère pour lui, tout au moins dans mon rôle le plus récent d’empoisonneuse de la maison. Il devait vouloir me mettre à l’épreuve.
    Lentement, je déclarai :
    — Je pense que vous saviez pour l’amitié entre mon père et Sofia Montefiore. (Ce qui était déjà assurément plus que moi.) Vous avez estimé qu’il se soucierait du sort des juifs et les avertirait concernant l’édit.
    — Et pourquoi aurais-je voulu qu’ils soient avertis ?
    En effet, pourquoi ? Borgia ne portait pas les juifs dans son cœur. En quoi se souciait-il de les voir vivants ou morts ?
    La réponse me vint instantanément, et dès lors je ne pus que m’étonner de ne pas avoir compris plus vite, tant elle paraissait évidente. Pour survivre, et a fortiori prospérer dans notre monde, le pouvoir est capital. Ne m’étais-je pas donné le plus grand mal pour en obtenir un maximum, afin de venger mon père ? Jusqu’à quelles extrémités un homme tel que Rodrigo Borgia serait-il prêt à aller ?
    — Les juifs ne sont pas sans richesses…, tentai-je.
    Les conditions de vie dans le ghetto n’étaient pas la conséquence inéluctable de la pauvreté. Elles étaient plutôt dues aux limites strictes imposées sur l’endroit où on les autorisait à vivre et à travailler. Sans cela, les juifs étaient parfaitement capables de gagner leur vie.
    Le pouvoir suprême, du genre de celui recherché par Borgia, nécessitait de l’argent. Beaucoup d’argent.
    — Vous leur avez offert votre protection.
    Je n’arrivais même pas à concevoir quelle quantité de deniers aurait à changer de mains pour que le Cardinal consente à accorder ses bienfaits à un peuple aussi méprisé, mais cela devait être sans commune mesure.
    — Si je deviens pape, précisa-t-il. Dans le cas contraire, je ne peux rien faire pour eux. Mais avec le financement approprié, je peux acheter la papauté.
    — Une fois le pape mort.
    Je me sentais en devoir de lui rappeler cette petite condition à remplir impérativement au préalable.
    Il Cardinale sourit comme si j’étais une étudiante qu’il avait craint lente au départ, mais au final s’avérait douée.
    — Oui, Francesca, une fois Innocent mort.
    J’avais les paumes moites, et pour sûr ma voix allait trahir mon trouble. Je pris une profonde inspiration, me forçant à rester calme.
    — C’est une chose que mon père avertisse les juifs à propos de cet édit. Mais la mort d’un pape…
    Borgia prit une gorgée de vin et me sourit. Sans aucun changement dans son expression, rien qui puisse me mettre en garde, il m’annonça :
    — Ton père était un converso . Le savais-tu ?
    Je le regardai, interdite, pensant d’abord l’avoir mal entendu. Je connaissais mon père. Il m’avait élevée moi, sa fille unique orpheline de mère. Il avait modelé ma connaissance du monde, m’avait donné le peu de sagesse que je possédais, et m’avait toujours traitée avec une honnêteté sans faille – de cela je ne doutais point.
    À ceci près qu’il n’avait jamais mentionné son amitié avec une juive ou son défunt mari, et encore moins son désir de protéger la tribu honnie d’Israël.
    Nonobstant cela, je ne pouvais croire que mon père était véritablement l’un d’ eux . Un juif converti au christianisme. Un renégat qui s’adonnait sûrement à des rituels impies en cachette tout en feignant d’être l’un des nôtres. Un candidat tout désigné pour les flammes qui consument les hérétiques.
    — Je ne vous crois pas, m’écriai-je malgré moi d’une voix stridente.
    Je venais de recevoir un coup de poing ; j’étais abasourdie.
    Borgia ne prit pas la peine de se froisser, et haussa les épaules.
    — D’après ce que je sais, sa conversion pourrait fort bien être la vérité. Il est déjà arrivé des choses plus étranges. Ton père est né juif à Milan. Il est tombé amoureux d’une jeune chrétienne, ta mère, et s’est

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