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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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regards, sa bonne humeur m’avait gagnée. Un serviteur qui passait par là tressaillit lorsque César tendit une main à travers les buissons pour attraper une fiasque de vin frais. Deux coupes et un plateau de viandes froides suivirent.
    — Je meurs de faim, déclara-t-il en s’écroulant dans l’herbe. J’ai chevauché toute la journée, ensuite j’ai dû enfiler cet accoutrement (il tira sur sa toge), et tout ça pour quoi ? Je te le dis, je commence à perdre patience.
    Il était toujours aussi versatile, mais son humeur s’était bel et bien adoucie. Il tapota le sol à côté de lui.
    — Tu ne dois pas t’enfuir tout de suite, n’est-ce pas ? Tiens-moi compagnie.
    Au-delà de l’étrange sentiment de libération qui m’habitait depuis que je me savais damnée, vivre à Rome m’a appris qu’il faut savoir prendre les plaisirs de la vie quand ils viennent, et d’où qu’ils viennent. Ainsi je m’assis et acceptai la coupe qu’il me proposa, l’observant par-dessus mon verre tandis qu’il dévorait la viande. Il était véritablement bel homme.
    Entre deux bouchées, il me déclara :
    — Je suis sincèrement désolé pour ton père. Ça m’a fait un choc, quand j’ai lu la nouvelle dans l’une des lettres de Lucrèce. Sans elle, je ne serais pas au courant de la moitié des choses qui se passent ici.
    Comme toujours avec les Borgia, les besoins personnels prenaient toujours le pas sur la compassion pour autrui. Mais je le comprenais, comme je pensais comprendre César.
    — Ton père cherche seulement à te protéger, dis-je. Nous vivons des temps difficiles.
    — Les temps ont-ils jamais été autre chose que difficiles ? demanda-t-il, moqueur. Mais voici venu notre temps, celui des Borgia. Mon père doit obtenir la papauté maintenant. C’est sa dernière chance.
    — Innocent…, commençai-je, mais César n’en avait que faire.
    — Cet eunuque en état de putréfaction ! (Il eut une moue de dégoût.) Mais pourquoi donc n’a-t-il pas la décence de mourir ?
    — Le bruit court qu’il a peur d’affronter le jugement divin.
    — Et il fait bien ! Vu les choses qu’il a faites… (Il remplit nos deux coupes, et me regarda d’un air sérieux.) Il ne tiendra pas beaucoup plus longtemps, tu ne crois pas ?
    J’hésitai, n’étant pas certaine de ce que César savait ou tout au moins soupçonnait. Préférant pécher par excès de prudence, je répondis :
    — Il faut s’en remettre à Dieu.
    César fronça les sourcils puis se pencha, suffisamment pour que je sente son souffle me chatouiller la joue.
    — Mais quel genre d’empoisonneuse es-tu ? murmura-t-il.
    Je m’écartai un peu, pour être arrêtée par sa main chaude contre mes reins. Je ne me souvenais pas l’avoir vu la mettre là, mais je ne tentai pas non plus de me dérober. Pendant le plus bref des instants je vis dans mon esprit non pas César mais Rocco, l’homme capable de transformer le feu en une lumière cristalline. Une voie s’ouvrit alors devant moi, tentante par sa douceur, et pourtant une voie que je ne me sentais pas en droit d’emprunter. J’étais qui j’étais, exactement ce que César avait dit de moi : une empoisonneuse. En outre, mes péchés ne s’arrêtaient pas là. Mes mains avaient littéralement trempé dans le sang. Je me réveillais régulièrement en criant, d’un cauchemar que je ne pouvais pas plus contrôler que comprendre. J’étais, quand bien même j’aurais souhaité que ce ne soit pas le cas, une créature des ténèbres.
    Tout comme César.
    Lui embrassait sa nature. Je ne pouvais complètement en faire de même, pas plus que je ne pouvais me priver du seul réconfort qu’il m’était donné de connaître.
    Nos lèvres étaient sur le point de se toucher lorsque je lui dis dans un souffle :
    — Le genre le plus dangereux qu’il soit… audacieuse, imprévisible… (Je glissai ma main sous sa courte tunique.) Pleine d’imagination…
    Il éclata de rire en m’allongeant sur l’herbe parfumée. De l’autre côté, les musiciens étaient en train de jouer. Des lucioles virevoltaient au-dessus de ma tête. Je les vis un moment ; puis je ne vis plus rien du tout.

14
    N ous retournâmes en ville le lendemain, tous à l’exception de César qui avait disparu lorsque je me réveillai au petit matin. Reparti à Pise, espérai-je, en ayant suffisamment de bon sens pour y rester jusqu’à ce que son père en décide autrement.
    La troupe avait quelque peu perdu

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