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Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia

Titel: Francesca, Empoisonneuse à la cour des Borgia Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Sara Poole
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de son entrain par rapport à la veille, mais il en va ainsi de tous les voyages. L’anticipation est toujours un plaisir plus grisant que l’expérience par elle-même.
    Quoique « toujours » soit peut-être un terme un peu fort. Parfois l’expérience est à la hauteur des plus grandes attentes.
    Lorsque je vins petit-déjeuner dans la cour, Lucrèce me jeta un rapide coup d’œil et gloussa. En retour, je tentai de la foudroyer du regard mais je doute d’y être parvenue. Elle eut au moins la gentillesse de ne rien dire. Si d’autres avaient remarqué la présence de César, ou avec qui il avait passé la nuit, ils étaient bien trop occupés par leurs propres intrigues pour commenter la nouvelle.
    La seule exception était le Cardinal lui-même. Alors que nous montions à bord de la péniche, il se tourna vers moi et lança :
    — Essaye de voir si tu ne peux pas le raisonner, veux-tu ?
    Je n’étais guère surprise que Borgia soit au courant de ma relation avec César, même si j’aurais grandement préféré qu’elle reste du domaine privé. Il avait des yeux partout. Toutefois, cela ne signifiait pas que j’acceptais d’être tenue pour responsable du comportement rétif de son aîné, qui ne se gênait pas pour dévorer à belles dents le peu de pouvoir qu’il était persuadé d’avoir acquis à la naissance. Il faudrait être fou pour se mettre entre César et son père d’une quelconque manière que ce soit.
    — Je doute fort d’avoir de ses nouvelles, signore, répondis-je de façon plutôt appropriée, selon moi.
    Borgia fronça les sourcils mais ne fit pas de commentaire. Plus tard, je le vis assis auprès de La Bella sous une tente, non loin de la proue. Elle était en train de lui donner des baies à manger, et il semblait de meilleure humeur.
    Je n’aurais su en dire autant de ma personne. J’avais succombé comme une sotte, quoique avec le plus grand plaisir. Mais à présent, je me souvenais très nettement de la désagréable semaine que j’avais dû endurer à la suite de ce premier tête-à-tête avec César, dans la bibliothèque, avant de découvrir à mon grand soulagement qu’il serait sans conséquence. Cette fois-ci, je n’arrivais pas à décider si je devais m’inquiéter ou pas. Dans le cas où ce que j’avais l’intention de faire réussirait, il y avait toutes les chances pour que je n’y survive pas, rendant de fait ce genre de considération caduque.
    Malgré tout, dès que je le pus après coup, j’appliquai la méthode de la douche vaginale au vinaigre et à l’anisette, un mélange censé être efficace selon certaines, mais sur lequel j’avais des doutes. Assurément je connaissais d’autres méthodes, plus drastiques, mais en tant qu’empoisonneuse je savais combien elles étaient difficiles à mettre en pratique sans prendre le risque de s’abîmer la santé de façon permanente. À l’avenir (s’il s’avérait que j’en aie un), je décidai d’avoir toujours à disposition un pessaire en cire d’abeille de ma fabrication, la solution de choix des femmes sensées.
    Vous pourriez arguer, à m’entendre parler ainsi, qu’à mon arrivée à Rome j’étais déchirée entre ma détermination à continuer sur le chemin que j’avais emprunté et un désir tout naturel de rester en vie. Vous n’auriez pas tort, mais sachez, également, que j’étais fermement résolue à ne pas renoncer.
    Avec Vittoro comme escorte, je retournai au ghetto et retrouvai en un rien de temps le chemin menant à l’échoppe de Sofia. Bien qu’à peine deux jours se soient écoulés depuis ma dernière visite, la situation avait encore empiré, manifestement. Ce n’était pas que tous les juifs espagnols venaient se réfugier ici. D’autres villes acceptaient de les recevoir (en tout premier lieu Amsterdam), et les plus chanceux faisaient voile vers la Turquie pour se mettre sous la protection du sultan Bayezid ii. Toutefois, au vu de leur nombre toujours grandissant à Rome, l’évidence ne pouvait plus être niée : si les choses ne changeaient pas rapidement, le risque d’une éruption de la peste allait devenir on ne peut plus réel. Cette horrible maladie n’est jamais bien loin, semble-t-il, lorsque misère et désespoir obligent les gens à vivre dans la promiscuité – bien que personne ne comprenne pourquoi.
    Et si la peste faisait son apparition, je frémissais à l’idée de ce qui arriverait à coup sûr : les juifs seraient tenus pour

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