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Funestes présages

Funestes présages

Titel: Funestes présages Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Paul C. Doherty
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chuchota-t-il.
    Il contempla les petites gargouilles qui flanquaient l’âtre. Elles représentaient des têtes de singes ratatinées et cornues.
    Il pourrait le faire, pensa-t-il, mais après ? Il n’était pas seulement père abbé, mais aussi exorciste des diocèses de Lincoln et d’Ely. Il avait une tâche à accomplir, à la fois comme moine et comme prêtre, alors pourquoi renoncerait-il ? Surtout à présent, alors que Cuthbert se souciait tant de la prairie et de sa nouvelle hôtellerie ! S’étant réchauffé les mains, l’abbé Stephen retourna s’installer à sa longue table cirée. Devant lui se trouvait un triptyque avec au centre le Christ en croix et sur les panneaux latéraux la Vierge Marie et saint Jean. C’était son tableau préféré. Il regarda le gros livre qu’il avait emprunté à la bibliothèque et posé sur la table. À côté il y avait un morceau de parchemin sur lequel il prenait des notes. C’était là son univers : prière et étude, corne à encre, plumes, pierre ponce et vélin fraîchement préparé. L’abbé Stephen était un célèbre épistolier. Ces deux dernières années, il s’était lancé dans une controverse d’école sur la nature de la possession démoniaque et les rites de l’exorcisme avec son vieil adversaire l’archidiacre Adrian et le grand ordre des dominicains de Blackfriars, à Londres. Le débat avait été vif, mais érudit. Les dominicains avaient pris le parti de Maître Adrian Wallasby, archidiacre de St Paul, qui maintenait que l’on faisait trop de cas de l’exorcisme et que ceux que l’on prétendait possédés avaient l’esprit malade plus qu’ils n’étaient la proie des seigneurs de l’Air, des démons de l’Enfer. L’abbé Stephen avait été contesté avec vigueur, aussi, dans trois jours, avait-il décidé de faire une conjuration dans l’église de sa propre abbaye. On avait choisi pour candidat un homme qui avait sollicité l’aide de l’abbé et qui était à présent confiné dans une pièce privée adjacente à l’infirmerie. L’archidiacre Adrian était arrivé à St Martin cinq jours plus tôt. Il semblait avoir renoncé à ses anciens griefs contre l’abbé et avait simplement insisté pour interroger le possédé et assister à la cérémonie. L’abbé Stephen avait concentré toute son attention sur ce rituel jusqu’à ce que, violent et brutal, le passé fasse irruption.
    Le prêtre prit le volume et rapprocha le candélabre argenté afin de pouvoir lire plus vite à l’aide du verre grossissant spécial qu’il avait acheté à Norwich. Il voulait que les mots apaisent son esprit, mais, soudain, en proie à un profond abattement, il se rencogna dans sa chaire et laissa le livre retomber sur la table. C’était inutile ! Il était cerné, prisonnier, piégé. Malgré la chaleur de la chambre, les bûches qui craquaient dans le feu, les braseros odorants, il eut froid et se mit à trembler. Il ferma les yeux et les visages du passé surgirent. Et si tout cela venait à se savoir ? S’il était obligé de se confesser en public ? Qu’arriverait-il alors ? Il ne pouvait affronter les menaces du prieur Cuthbert et ce tumulus ne pouvait pourtant pas être ouvert. Il referma le volume d’un geste sec. Il se leva et alla vers la porte pour s’assurer qu’elle était fermée à clé et que les verrous étaient tirés. Puis il vérifia la fermeture des fenêtres. Prenant un pichet de vin et un gobelet, il les déposa sur la table. L’abbé Stephen remplit la coupe à ras bord et but d’un trait. Puis il se saisit de son trousseau de clés et alla déverrouiller son coffre personnel dont il souleva le couvercle. À l’intérieur se trouvaient un casque, des jambières, des gantelets et un plastron frappé de son écusson. Un ceinturon en brocart était posé sur le tout. Il le prit et s’en ceignit la taille pour la première fois depuis trente ans. Il serra le pommeau de l’épée et, de l’autre côté, le manche du long poignard. En se retournant il aperçut son reflet dans la fenêtre. Était-ce lui ou quelqu’un d’autre ?
    L’abbé Stephen déboucla son ceinturon qu’il lança sur le sol et tomba à genoux. Il jeta un regard d’espoir à la vitre de la fenêtre à meneaux et examina à nouveau son reflet. Le verre retenait aussi la lumière des chandelles et des lampes à huile. Un verset de l’épître de Saint Paul aux Corinthiens résonna dans sa mémoire : « Car à présent

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