Furia Azteca
pas en être affectée. L'Orateur Vénéré
recevait souvent la visite de son neveu Cacama inquiet à juste raison de l'instabilité de son trône. Mais il est possible que Certes ait, lui aussi, prié ses alliés " d'être calmes et d'attendre ", car aucun d'eux, pas même le prince Fleur Noire, impatient pourtant de reprendre le pouvoir à
Texcoco, ne fit la moindre action précipitée ou illégitime. Tout au long de l'hiver, la vie sembla continuer comme par le passé, comme Motecuzoma nous l'avait promis.
J'ai dit " sembla ", parce que personnellement, j'étais de moins en moins impliqué dans les affaires de l'…tat et Motecuzoma me faisait rarement appeler. Je finis même par ne plus jamais servir d'interprète car l'Orateur Vénéré ayant décidé de faire confiance à Certes, il n'y avait pas de raison pour qu'il ne se fie pas également à sa Malintzin. On les voyait souvent tous les trois ensemble. C'était inévitable, aussi grand que f˚t le palais, puisqu'ils vivaient sous le même toit, mais, en fait, Certes et Motecuzoma en étaient venus à s'apprécier beaucoup. Ils parlaient de leurs pays, de leurs religions et de leurs coutumes respectives. Motecuzoma apprit à
Certes à jouer au patolli et j'espérais qu'il pariait gros jeu de façon à
pouvoir lui reprendre une partie du trésor qu'il avait promis aux Blancs.
Cortés, à son tour, lui fit connaître une autre distraction. Il envoya chercher des marins à Vera Cruz pour qu'ils ramènent avec eux tous les outils nécessaires. Ils firent abattre des arbres bien droits qu'ils transformèrent magiquement en planches, poutres et m‚ts. Avec une rapidité
incroyable, ils construisirent une réplique diminuée de moitié de leurs grands vaisseaux et la lancèrent sur le lac Texcoco. Ce fut le premier bateau à voiles qu'on vit ici et Cortés emmenait souvent Motecuzoma en promenade sur les cinq lacs communicants.
Je ne regrettais pas du tout d'être écarté de la cour. J'étais heureux d'avoir retrouvé ma vie tranquille et je passais à nouveau beaucoup de temps à la Maison des Pochteca. Ma femme ne me demandait jamais rien, mais je sentais que j'aurais d˚ lui tenir compagnie un peu plus 963
souvent car elle paraissait fatiguée. Elle avait toujours occupé ses, loisirs avec des petits travaux comme la broderie et j'avais remarqué
qu'elle tenait son ouvrage de plus en plus près de ses yeux.
" Je vieillis, Z‚a, me répondait-elle simplement quand je m'en inquiétais.
- Nous avons le même ‚ge ", lui rappelais-je invariablement.
Cette remarque avait le don de l'agacer et elle me répliquait assez vivement :
" C'est encore une des malédictions qui pèsent sur les femmes. A tout ‚ge, elles sont plus vieilles que les hommes. " Puis, elle se radoucissait et ajoutait en manière de plaisanterie : " Voilà pourquoi les femmes traitent leurs hommes comme des enfants, parce qu'ils semblent ne jamais vieillir...
et même ne jamais grandir. "
Je fus long à réaliser qu'elle était atteinte par les premiers symptômes du mal qui allait peu à peu la clouer au lit. Béu ne se 'plaignait jamais.
quand Turquoise, notre vieille servante, mourut, j'achetai deux jeunes femmes - une pour tenir la maison et l'autre pour s'occuper uniquement de Béu. J'étais depuis si longtemps habitué à appeler Turquoise quand je voulais quelque chose que je leur donnai ce même nom à toutes les deux et je ne sais même plus comment elles se nommaient en réalité.
Le mépris des Espagnols pour les noms exacts avait peut-être fini par déteindre sur moi. En effet, pendant tout le temps qu'ils passèrent à
Tenochtitl‚n, pas un seul ne fit l'effort d'apprendre notre langue. La personne de notre race qu'ils connaissaient le mieux, c'était Malintzin et Cortés lui-même déformait invariablement son nom en Malinche, et tout le monde dans la ville finit par faire comme lui, soit pour imiter poliment les occupants, soit par mépris pour cette femme, car cette prononciation faisait sauter le " tzin " et la mettait en rage. Cependant, elle ne pouvait pas se plaindre qu'on lui manquait de respect sans paraître du même coup critiquer la façon de parler de son maître.
En fait, Cortés et ses hommes déformaient tous les mots. Comme le son doux
" ch " n'existe pas en espa-
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gnol, ils nous appelèrent longtemps Mes-sica ou Mec-sica et récemment vous avez choisi de nous rendre notre ancien nom en jugeant qu'il était plus commode de dire Aztèque.
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