Furia Azteca
Serpent de l'année Trois Maison, ou sur votre calendrier, le treize ao˚t mille cinq cent vingt et un - le nom de notre dernier Orateur Vénéré f˚t à jamais traduit en espagnol par Aigle qui tombe.
Après la chute de Tenochtitl‚n, la vie ne changea pas beaucoup dans le Monde Unique. A part les nations de la Triple Alliance, les autres pays avaient assez peu souf-1028
fert et beaucoup de peuples ignoraient sans doute qu'ils ne faisaient plus partie du Monde Unique, mais de la Nouvelle-Espagne. Bien qu'ils fussent cruellement ravagés par de mystérieuses maladies, ils avaient rarement l'occasion de rencontrer un Espagnol ou un Chrétien. On ne leur imposa pas de nouveaux dieux, ni de nouvelles lois et ils continuèrent à vivre comme avant, moissonnant, péchant, chassant, comme ils le faisaient depuis des faisceaux d'années.
Dans la région des lacs en revanche, la vie avait été complètement bouleversée. Elle était devenue très difficile et je doute qu'elle s'améliore jamais. A partir du jour o˘ Cuauhtemoc fut capturé, Cortés consacra toute son attention et toute son énergie à reconstruire Tenochtitl
‚n. Je devrais dire plutôt notre énergie, car il avait décrété que, puisque la ville avait été détruite uniquement par la faute des Mexica rebelles, sa restauration serait entièrement à notre charge. Ses architectes dessinèrent les plans, ses artisans supervisèrent les travaux, ses soldats les plus brutaux manièrent le fouet pour nous faire obéir, mais ce sont les Mexica qui exécutèrent la besogne, qui procurèrent les matériaux et s'ils voulaient manger le soir, ils devaient trouver eux-mêmes leur nourriture.
Les carriers de Xaltoc‚n travaillèrent plus qu'ils ne l'avaient jamais fait ; les b˚cherons déboisèrent entièrement les collines environnantes pour tailler des planches , et des poutres ; les ex-guerriers et les pochteca se transformèrent en pourvoyeurs de vivres qu'ils extorquaient de gré ou de force aux localités des alentours et les femmes - quand elles n'étaient pas ouvertement molestées !:,par les soldats blancs et même violées sous les yeux de tous ceux qui voulaient bien regarder - servirent de l'porteurs et de messagers. On employa même les jeunes î", enfants pour mélanger le mortier.
On s'occupa d'abord des choses les plus urgentes. On ^répara les aqueducs, puis on creusa les fondations de ce qui est maintenant votre cathédrale et, devant, on érigea le pilori et la potence. Ces deux installations furent les premières à fonctionner dans la nouvelle Ville de Mexico, afin de nous inciter à travailler consciencieuse-1029
ment et sans rel‚che. Ceux qui paressaient un peu étaient fouettés à mort par les surveillants, ou marqués au fer à la joue, puis exposés au pilori, afin que les Espagnols viennent leur jeter des pierres ou du crottin de cheval, ou encore, conduits à la potence. Du reste, ceux qui ne ren‚claient pas à la besogne mouraient presque autant, parce qu'on les obligeait à
soulever des charges si lourdes qu'ils se déchiraient les entrailles.
J'eus plus de chance que les autres parce que Cortés m'employa comme interprète. Il y avait trop à faire pour la seule Malintzin et Aguilar avait trouvé la mort. Il m'engagea donc à son service et me donna même un petit salaire en monnaie espagnole en plus d'un logement pour Béu et pour moi dans la somptueuse demeure qu'il s'était attribuée près de Cuauhnahuac et qui avait été la résidence d'été de Motecuzoma. Malintzin, les officiers principaux et leurs concubines y habitaient aussi, de même que Cuauhtemoc, sa famille et ses courtisans qu'il voulait garder à l'oil.
Je devrais peut-être faire des excuses - bien que je ne sache pas trop à
qui - pour avoir accepté cet emploi chez les Blancs, plutôt que d'être mort en les défiant. Mais, puisque les combats étaient terminés et que j'en avais réchappé, il me semblait que mon tonalli m'ordonnait de lutter encore pour survivre. On m'avait dit un jour : " Tiens bon ! Supporte ! Souviens-toi ! " et c'était ce que j'avais décidé de faire.
Au début, mon travail d'interprète consista principalement à traduire les questions incessantes et insistantes de Cortés au sujet du fameux trésor disparu. Si j'avais pu faire autre chose pour gagner ma vie, j'aurais abandonné sur-le-champ cette dégradante besogne. J'étais obligé de rester près de Cortés et de ses officiers pendant qu'ils malmenaient et qu'ils
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