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Galaad et le Roi Pêcheur

Galaad et le Roi Pêcheur

Titel: Galaad et le Roi Pêcheur Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Jean Markale
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plus qu’un monceau de ruines. Quittes à s’en étonner grandement, ceux de la cité décrétèrent que jamais personne n’irait souiller de ses pas ce qui avait été le Palais Spirituel. Quant à Bohort, dès que la nuit fut tombée, il monta à bord de la nef qui les avait amenés à Sarras et qui se trouvait toujours dans le port. Dès qu’il y fut, le vent se mit à souffler et poussa la nef en pleine mer. Il navigua ainsi toute la nuit et, au matin, quand le soleil se leva, il s’aperçut que le navire s’était échoué sur un rivage de sable et de galets. Il prit ses armes et descendit à terre, espérant rencontrer quelqu’un qui pût le renseigner sur la terre où il se trouvait. Il marcha longtemps et eut enfin le bonheur de découvrir un manoir où résidait une veuve. Celle-ci l’accueillit fort courtoisement et lui apprit qu’il se trouvait à deux journées de Kamaalot. Bohort s’en réjouit fort. La dame lui procura un cheval et, après avoir remercié celle-ci, il sauta en selle, très impatient de retrouver le roi Arthur et ses compagnons.
    Chevauchant sans trêve, il arriva le surlendemain, vers l’heure de midi, aux portes de la forteresse. La première personne qu’il rencontra fut son frère Lionel qui le reconnut immédiatement, se jeta dans ses bras, tout en larmes et l’implorant de lui pardonner ce qui s’était passé. Trop heureux d’avoir fait sa paix avec lui, Bohort aperçut ensuite le roi Arthur qui, à l’annonce de son arrivée, se précipitait à sa rencontre. Le roi lui témoigna les plus grandes marques de joie et l’accueillit avec beaucoup d’affection. Et tous les compagnons qui se trouvaient là l’entourèrent bientôt, très émus de le revoir car ils l’avaient tous à jamais cru perdu. Il embrassa tendrement son cousin Lancelot et alla saluer la reine Guenièvre. Puis vint le tour d’Yvain, fils d’Uryen, de Gauvain, d’Hector et de quelques autres, accourus pour lui témoigner leur joie. Pour une fois même, Kaï s’abstint de lancer des piques désagréables. Bohort enfin vit également Girflet, fils de Dôn, qu’accompagnait la belle Brunissen. Mais il constata que régnait à la cour un climat de tristesse, comme si chacun se sentait honteux et mortifié d’avoir échoué dans la quête du saint Graal…
    Le soir, le roi Arthur réunit tous ses chevaliers autour de la Table Ronde. Il avait mandé des scribes et pria Bohort de raconter les aventures dont il avait été témoin. Bohort en fit le récit détaillé, sans rien omettre de ce qu’il avait vu et entendu et les scribes prirent grand soin de noter chacune de ses paroles. Quand il eut terminé, un pesant silence étreignit l’assistance, chacun méditant le sens de ce qui venait d’être dit. Arthur, enfin, prit la parole : « C’est une grande gloire pour nous que cette quête du saint Graal, dit-il, mais hélas ! j’y aurai perdu bon nombre de chevaliers qui nous faisaient honneur. Galaad n’est plus. Sagremor, Baudemagu, Yvain l’Avoutre ont péri. Perceval s’en est allé bien loin de nous. Et Merlin me l’a bien prédit, je ne vivrai moi-même plus guère, maintenant que les aventures du Graal sont achevées. » Des larmes coulèrent sur les joues du roi, et, tout songeur, il se leva et gagna lentement la prairie, face à la forteresse, pour méditer.
    La nuit tombait. Les chevaliers quittèrent les uns après les autres la grande salle, sans mot dire, le cœur lourd et oppressé. Quant à Bohort, il demeura seul, sur son siège, plongé dans les souvenirs qu’il venait d’évoquer. C’est alors que Morgane doucement entra dans la salle. Elle alla vers lui et déclara : « En somme, nul ne sait plus où se trouve le saint Graal ! Était-il bien nécessaire de vous lancer tous dans de telles aventures ? – Il le fallait, répondit Bohort, telle était la volonté de Dieu. » Morgane se mit à rire. « La volonté de Dieu ! railla-t-elle. Peut-être, mais surtout votre désir de conquérir le monde, d’en savoir plus que les autres ! Ah, mais tout le monde ne peut être Galaad ! – Ni Perceval, ajouta Bohort, car c’est lui maintenant qui garde les merveilles, en ce royaume de Bretagne. – Mais tu ignores où il se trouve ! En fait, Bohort, tu as été le témoin de ces aventures, mais tu en sais moins que si tu n’avais pas quitté un seul jour la cour. » À ces mots, Bohort ressentit une grande amertume. La sœur d’Arthur avait raison : il avait

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