Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
trouvais les plus grisants étaient aussi ceux qui me rendaient la vie misérable à Boston. Jâétais incapable de vivre avec le fait que je bousillais les efforts que mes coéquipiers avaient déployés durant des heures pour se forger une avance.
Quand il lance bien, le releveur récolte la gloire et les applaudissements parce quâil est celui qui met fin au match. Mais quand il ne joue pas bien, tous les torts lui sont imputés, tous les reproches lui sont adressés. Le closer est un héros ou un zéro. Il nây a pas de zone grise entre les deux. Il nâa pas droit à lâerreur. Câest de cette manière que jâavais toujours perçu mon rôle.
Je trouvais la situation tellement dommage et complètement désarmante. Les Red Sox formaient un vrai bon groupe de gars. Les dirigeants et les joueurs étaient vraiment agréables à côtoyer. Des bons jacks , comme on dit chez nous. Je voulais savourer les moments passés en leur compagnie. Et, surtout, je voulais les aider à remporter une Série mondiale.
Jâai notamment passé beaucoup de bon temps en compagnie de Jonathan Paplebon, qui est un lanceur extraordinaire et une personne animée de très belles valeurs. David Ortiz était aussi un coéquipier de grande qualité que jâai bien apprécié.
Manny Ramirez, lui, était vraiment différent des autres. Il vivait un peu dans son propre monde et je pense que ça explique pourquoi il a toujours été un frappeur aussi redoutable. On dit quâil y a une ligne très fine entre le génie et la folie, et Ramirez me donnait parfois lâimpression dâêtre assis sur cette clôture.
Câétait aussi un très bon coéquipier. Les gens ne voyaient pas cela, mais Ramirez était présent au gymnase à 7 h tous les matins. Je le croisais là tous les jours. La plupart des joueurs préfèrent sâentraî-ner au stade mais Ramirez préférait sâentraîner avant de se rendre au stade. Son air nonchalant pouvait porter les gens à croire quâil se foutait un peu du baseball, alors quâen coulisse il travaillait comme un forcené.
Ramirez parlait peu. Et quand il le faisait, câétait pour rigoler.
Todd, mon entraîneur personnel, faisait aussi son possible pour essayer de me sortir de ma torpeur.
â Allez, viens, on va sortir un peu. On va aller prendre une bière pour se changer les idées.
â Fuck lâhostie de bière, man ! Je nâirai nulle part.
â Mais câest en partie à cause de ça que tu traverses une mauvaise passe sur le terrain. Tu as besoin de te changer les idées, de te détendre.
â Crisse, câest dur de relaxer quand tu te fais huer à lâintérieur dâun bar.
Je ne voulais pas sortir. Je ne voulais plus me faire crier des insultes. Cependant, aussi contradictoire que cela puisse paraître, je continuais à gratter le bobo et à rouvrir mes plaies, que ce soit en regardant les reprises de nos matchs, en écoutant les commentaires dâaprès-match ou en lisant les journaux. On entend souvent des athlètes professionnels dire quâils ne lisent pas les journaux lorsquâils traversent une mauvaise période. Pour ma part, on aurait dit que jâen redemandais.
Cette invraisemblable tournure des événements a été suivie dâune cascade dâévénements, ce qui mâa plongé encore plus profondément dans ce cauchemar.
Dès mon arrivée à Boston, mon épaule mâétait apparue un peu plus fragile quâelle ne lâavait été au Texas, probablement en raison des trois matchs en 24 heures auxquels jâavais participé. Le fait de passer tout mon temps dans lâenclos des releveurs pour tenter de modifier mon élan, tout cela ajouté à ma participation aux matchs, avait fini par causer une solide tendinite à lâépaule.
Par ailleurs, les modifications apportées à mon élan changeaient ma mécanique et me rendaient moins efficace.
On dit que lorsque les requins flairent lâodeur du sang, ils finissent toujours par apparaître dans le paysage. Câétait exactement la même chose avec les frappeurs du baseball majeur.
Quand jâai connu mes meilleurs moments au monticule, jâétais enveloppé dâune espèce dâaura
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