Game Over - L’histoire d’Éric Gagné
Prologue
Je me souviens parfaitement du jour où jâai perdu mon innocence.
Toute ma vie, jâavais gravi les échelons menant jusquâau baseball majeur parce que jâavais du talent, parce que jâaimais ce sport plus que tout, parce que je mâamusais et parce que je ne craignais pas de mâentraîner plus fort que nâimporte quel autre joueur.
Au printemps de 2002, toutefois, alors que jâétais à la veille dâentreprendre ma troisième saison dans les ligues majeures, des facteurs extérieurs commençaient à sérieusement altérer ma perception du jeu. Jâétais encore animé du même amour pour mon sport et du même enthousiasme que par le passé mais, peu à peu, les notions de compétition et de dépassement de soi cédaient place à dâautres considérations.
Pour toutes sortes de raisons, je commençais à perdre le contrôle de mon avenir au sein de lâorganisation des Dodgers de Los Angeles.
Jâétais entré dans la famille des Dodgers à lâautomne 1995 dans des circonstances exceptionnelles et avec une infime chance de me hisser jusquâau sommet de la pyramide. Malgré cela, exactement quatre ans plus tard, malgré une intervention chirurgicale au coude droit qui mâavait éloigné du monticule pendant une saison complète, jâétais parvenu à remonter le courant. Je mâétais suffisamment distingué pour quâon me rappelle au sein du Show et quâon me permette de défendre ce prestigieux uniforme bleu et blanc.
Mon premier mois dans les majeures sâétait déroulé à merveille. Je nâavais que 23 ans. Et en cinq départs, jâétais parvenu à me façonner une fiche de 1-1 et à maintenir une moyenne de points mérités de 2,10. Mieux encore, jâavais retiré 30 frappeurs sur des prises en 30 manches, un ratio digne des meilleurs bras de la Major League Baseball.
Si bien que lors du camp dâentraînement suivant, en 2000, le poste de quatrième partant mâavait été offert sur un plateau dâargent, dans une rotation où lâon retrouvait déjà Kevin Brown, Chan Ho Park, Darren Dreifort et le gaucher Carlos Pérez, un drôle de numéro qui avait entrepris sa carrière à Montréal avec les Expos.
Jâavais cependant connu un camp de misère. Au point où, malgré mon statut dâespoir de premier plan, les dirigeants des Dodgers mâavaient renvoyé dans les ligues mineures, avec lâéquipe AAA dâAlbuquerque, avant même le début du calendrier.
Lâéquipe allait entreprendre le millénaire au Stade olympique à Montréal. Et comme je nâétais clairement pas en possession de tous mes moyens, le gérant Davey Johnson et le directeur général Kevin Malone voulaient mâéviter de devoir disputer un match devant le public québécois, ma famille et mes amis. Sans compter ce quâune visite à Montréal allait engendrer comme attention médiatique et comme pression supplémentaire.
Rappelé dans les majeures dès la semaine suivante, jâavais ensuite passé tout lâété à la recherche de la constance, cette qualité primordiale pour sâétablir et connaître une carrière valable au sein de la MLB.
Le bon vieux Charlie Hough, un ex-lanceur dont la brillante carrière dans les majeures sâest étendue sur une période de 25 ans, mâavait un jour dit:
â Un lanceur doit passer environ 500 manches au monticule dans les ligues mineures afin de vraiment pouvoir apprendre à lancer. Il faut lancer au moins 500 manches contre des frappeurs de haut niveau avant de pouvoir se dire: âOK, je commence vraiment à savoir en quoi ça consiste dâêtre un lanceur professionnel.âÂ
Lors de mon premier rappel dans les majeures en septembre 1999, jâavais lancé un peu plus de 400 manches dans les mineures mais je nâavais compilé quâun peu plus de 300 manches aux niveaux «A fort» et AA. Selon la théorie élaborée par Hough, il me restait donc des croûtes à manger. Et à ma première saison dans les majeures, cela se vérifiait souvent sur le terrain.
Mon niveau de confiance, entre autres, nâétait pas suffisamment élevé. Intérieurement, jâavais tendance Ã
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