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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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premières.»
    Puis il ajoute, avec un tantinet de déclamation : «Les condamnés à mort ne renient pas leur Dieu... Rétrécis ton coeur, mon grand George, tu en as trop pour une poitrine humaine. Mais si tu renonces à la vie, si tu te retrouves jamais seule en face du malheur, rappelle toi le serment que tu m'as fait : «Ne meurs pas sans moi.» Souviens-t'en, souviens-t'en, tu me l'as promis devant Dieu.»
    Le surplus de la lettre, où frémit et vibre l'émotion, est d'une rare beauté de pensée et de style. On y sent tressaillir l'âme douloureuse du poète :
    «Je ne mourrai pas, moi, sans avoir fait mon livre sur moi et sur toi (sur toi surtout). Non, ma belle, ma sainte fiancée, tu ne te coucheras pas dans cette froide terre, sans qu'elle sache qui elle a porté. Non, non, j'en jure par ma jeunesse et mon génie, il ne poussera sur ta tombe que des lis sans tache. J'y poserai, de ces mains que voilà, ton épitaphe en marbre plus pur que les statues de nos gloires d'un jour. La postérité répétera nos noms comme ceux de ces amants immortels qui n'en ont plus qu'un à eux deux, comme Roméo et Juliette, comme Héloïse et Abélard ; on ne parlera jamais de l'un sans parler de l'autre. Ce sera là un mariage plus sacré que ceux que font les prêtres ; le mariage impérissable et chaste de l'Intelligence. Les peuples futurs y reconnaîtront le symbole du seul Dieu qu'ils adoreront. Quelqu'un n'a-t-il pas dit que les révolutions de l'esprit humain avaient toujours des avant-coureurs qui les annonçaient à leur siècle ? Eh bien, le siècle de l'Intelligence est venu. Elle sort des ruines du monde, cette souveraine de l'avenir ; elle gravera ton portrait et le mien sur une des pierres de son collier.
    Elle sera le prêtre qui nous bénira, qui nous couchera dans la tombe, comme une mère y couche sa fille le soir de ses noces ; elle écrira nos deux chiffres sur la nouvelle écorce de l'arbre de vie. Je terminerai ton histoire par mon hymne d'amour ; je ferai un appel, du fond d'un coeur de vingt ans, à tous les enfants de la terre ; je sonnerai aux oreilles de ce siècle blasé et corrompu, athée et crapuleux, la trompette des résurrections humaines, que le Cbrist a laissée au pied de sa croix. Jésus ! Jésus ! et moi aussi, je suis fils de ton père. Je te rendrai les baisers de ma fiancée ; c'est toi qui me l'as envoyée, à travers tant de dangers, tant de courses lointaines, qu'elle a couru pour venir à moi. Je nous ferai, à elle et à moi, une tombe qui sera toujours verte, et peut-être les  générations futures répéteront-elles quelques-unes de mes paroles, peut-être béniront-elles un jour ceux qui auront frappé avec le myrte de l'amour aux portes de la liberté.»
    Cette lettre, écrite avec une sensibilité qui ne dédaigne pas d'être très littéraire, fut envoyée la veille ou l'avant-veille du départ d'Alfred de Musset. Il quitta Paris la dernière semaine d'août, traversa Strasbourg le 28, et le 1er septembre, arrivé à Baden, il adressa à George Sand un nouvel hymne d'amour. En voici l'un des plus brûlants passages :
    «Ma chère âme, tu as un coeur d'ange... Jamais homme n'a aimé comme je t'aime. Je suis perdu, vois-tu, je suis noyé, inondé d'amour ; je ne sais plus si je vis, si je mange, si je marche, si je respire, si je parle ; je sais que j'aime. Ah ! si tu as eu toute ta vie une soif de bonheur inextinguible, si c'est un bonheur d'être aimée, si tu l'as jamais demandé au ciel, oh ! toi, ma vie, mon bien, ma bien-aimée, regarde le soleil, les fleurs, la verdure, le monde ! Tu es aimée, dis-toi cela, autant que Dieu peut être aimé par ses lévites, par ses amants, par ses martyrs.
    Je t'aime, ô ma chair et mon sang ! Je meurs d'amour, d'un amour sans fin, sans nom, insensé, désespéré, perdu ; tu es aimée, adorée, idolâtrée, jusqu'à mourir ! Et non, je ne guérirai pas. Et non, je n'essaierai pas de vivre ; et j'aime mieux cela, et mourir en t'aimant vaut mieux que de vivre. Je me soucie bien de ce qu'ils diront. Ils diront que tu as un autre amant. Je le sais bien, j'en meurs. Mais j'aime, j'aime, j'aime ! Qu'ils m'empêchent d'aimer !»
    Il est parti-il le confesse-dans un état d'exaltation éperdue, après avoir tenu entre ses bras ce corps adoré, après l'avoir pressé sur une blessure cbérie. Il emportait à ses lèvres le souffle des lèvres aimées, et, comme il l'exprime très poétiquement : «Je te

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