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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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respirais encore.» Ce baiser, il l'avait attendu cinq mois, dans une continuelle angoisse : «Sais-tu ce que c'est pour un pauvre coeur qui a senti pendant cinq mois, jour par jour, heure par heure, la vie l'abandonner, le froid de la tombe descendre lentement dans la solitude, la mort et l'oubli tomber goutte à goutte comme la neige ; sais-tu ce que c'est pour un coeur serré jusqu'à cesser de battre, de se dilater un moment, de se rouvrir, comme une pauvre fleur mourante, et de boire une goutte de rosée vivifiante ? O mon Dieu ! je le sentais bien, je le savais, il ne fallait pas nous revoir.»
    Vainement il avait tenté de l'oublier, de prendre un autre amour : nulle part, il n'a ni n'aurait trouvé ce qui le charme en elle. Les faciles et vénales amours l'ont écoeuré, et il le crie en quelques mots d'une vérité saisissante : «Ces belles créatures, je les hais ; elles me dégoûtent avec leurs diamants, leur velours.
    Je les embrasse ; après je me rince la bouche et je deviens furieux, je n'aime pas les Vénus. O mon amour, ce que j'aime, c'est ta petite robe noire, le noeud de ton soulier, ton col, tes yeux.» Et il se compare, en son agonie de passion, à l'un de ces taureaux blessés dans le cirque qui ont la permission d'aller se coucher dans un coin avec l'épée du matador dans l'épaule et de mourir en paix. Voilà le droit qu'il réclame. Il n'admet pas qu'on le lui conteste. «Le reste, dit-il, me regarde. Il serait trop cruel de venir dire à un malheureux qui meurt d'amour, qu'il a tort de mourir.» Elle ne l'entend pas, quand il l'appelle à cent cinquante lieues de distance, et pourtant il ne peut vivre sans elle. Il voudrait s'établir aux environs de Moulins ou de Châteauroux, louer un grenier avec une table et un lit. Elle viendrait le voir une fois ou deux, à cheval, et là, dans la solitude, il écrirait la mélancolique histoire de leur amour. Puisqu'il n'en peut être ainsi, du moins il a conçu un rêve et il formule une prière : «O ma fiancée, je te demande encore pourtant quelque chose. Sors un beau soir, au soleil couchant, seule ; va dans la campagne, assieds-toi sur l'herbe, sous quelque saule vert ; regarde l'occident, et pense à ton enfant qui va mourir. Tâche d'oublier le reste, relis mes lettres, si tu les as, ou mon petit livre. Pense, laisse aller ton bon coeur, donne-moi une larme, et puis rentre chez toi doucement, allume ta lampe, prends ta plume, donne une heure à ton pauvre ami. Donne-moi tout ce qu'il y a pour moi dans ton coeur. Efforce-toi plutôt un peu ; ce n'est pas un crime, mon enfant. Tu peux m'en dire même plus que tu n'en sentiras ; je n'en saurai rien, ce ne peut être un crime ; je suis perdu.» Et la lettre se termine en un véritable spasme de passion, où éclate l'éréthisme névrosé du poète : «Dis-moi que tu me donnes tes lèvres, tes dents, tes cheveux, tout cela, cette tête que j'ai eue, et que tu m'embrasses, toi, moi ! O Dieu, ô Dieu, quand j'y pense, ma gorge se serre, mes yeux se troublent, mes genoux chancellent.
    Ah ! il est horrible de mourir, il est horrible d'aimer ainsi. Quelle soif, mon George, oh ! quelle soif j'ai de toi ! Je t'en prie, que j'aie cette lettre. Je me meurs. Adieu.» Après avoir indiqué son adresse, à Baden (Grand-Duché), près Strasbourg, poste restante, il ajoute en post-scriptum : «O ma vie, ma vie, je te serre sur mon coeur, ô mon George, ma belle maîtresse, mon premier, mon dernier amour !»
    Que devient cependant George Sand ? Elle a profité de son séjour à Paris pour régler ses intérêts avec Buloz, mais nous ne savons pas si elle a, comme elle projetait, sermonné le bavard et compromettant Gustave Planche, contre lequel Alfred de Musset nourrissait une rancune particulière. Planche, en effet, fils de pharmacien, avait joué au poète un tour pendable, du temps où ils étaient rivaux d'influence auprès de l'auteur de Lélia. Certain jour, il offrit à Musset des bonbons au chocolat. A peine en eut-il mangé deux ou trois qu'il dut céder la place. C'étaient des bonbons purgatifs que Gustave Planche avait dérobés à l'officine paternelle. Et cette anecdote, qui a son parfum moliéresque, a été transmise par madame Martelet, gouvernante d'Alfred de Musset.
    Le 29 août, George Sand arrive à Nohant, en compagnie de son fils Maurice. Elle y retrouve Solange et le singulier M. Dudevant qui la reçoit placidement, comme si elle ne revenait pas de Venise. Elle

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