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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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une main menteuse et sale. Jetons-la dans la mer, et que le sang qui en coulera lave l'autre. Prends-la, et mène-moi au bout du monde.» Si tu devais accepter cette main ainsi lavée, je le ferais bien encore. Veux-tu ?»
    «Mais à qui, continue-t-elle dans une sorte d'extase, s'adresse tout cela ? Est-ce à vous, murs de ma chambre, échos de sanglots et de cris ? Est-ce à toi, portrait silencieux et grave ? A toi, crâne effrayant, plein d'un poison plus sûr que tous ceux qui tuent le corps, cercueil où j'ai enseveli tout espoir ? A toi, Christ sourd et muet ? J'aurai beau dire, beau pleurer et me plaindre, il n'y a que vous qui me pardonnerez, mon Dieu !
     Que votre miséricorde commence donc par donner le repos et l'oubli à ce coeur dévoré de chagrin ; car, tant que je souffre, tant que j'aime ainsi, je vois bien que vous êtes en colère. Ah ! rendez-moi mon amant, et je serai dévote et mes genoux useront les pavés des églises.»
    Essaiera-t-elle, de le rendre jaloux ? Déploiera-t-elle des sortilèges pour le ramener, la pauvre «Madeleine sans cheveux, mais non pas sans larmes, sans croix et sans tête de mort ?» De qui pourrait-il prendre ombrage ? Ce ne serait ni de Buloz, ni de Sainte Beuve. Peut-être de Liszt ? Mais Liszt, dit-elle, «ne pense qu'à Dieu et à la Sainte Vierge qui ne me ressemble pas absolument. Bon et heureux jeune homme !» Plus tard, il pensera aussi à madame d'Agoult. Au demeurant, elle se flatte de réconquérir Musset, en s'entourant d'hommes très illustres et très purs, Delacroix, Berlioz, Meyerbeer. Que lui demande-t-elle, pour avoir la force de patienter ? Son amitié. «Si j'avais, soupire-t-elle, quelques lignes de toi, de temps en temps, un mot, la permission de t'envoyer de temps en temps une petite image de quatre sous achetée sur les quais, des cigarettes faites par moi, un oiseau, un joujou ! Quelque chose pour tromper ma douleur et mon ennui, pour me figurer que tu penses un peu à moi en recevant ces niaiseries !»
    Elle ne souhaite qu'une affection dans l'ombre et le silence, elle ne sollicite ni actes publics, ni démarches qui prouvent qu'elle n'est pas «une malheureuse chassée à coups de pied.» Ce qu'elle implore est pour son coeur, non pour son orgueil. «Mon Dieu, dit-elle, j'aimerais mieux des coups que rien. Rien, c'est ce qu'il y a de plus affreux au monde, mais c'est mon expiation.»
     Et elle ajoute, n'oubliant jamais que la douleur doit être un auxiliaire, un adjuvant de la littérature : «Alfred, je vais faire un livre. Tu verras que mon âme n'est pas corrompue ; car ce livre sera une terrible accusation contre moi. Saints du ciel, vous avez péché, vous avez souffert !»
    Elle veut mourir, elle voit s'entr'ouvrir la tombe de sa jeunesse et de ses amours. Tout au plus s'accorde-t-elle quatre jours encore, avant que sonne l'heure fatale. «Et que serai-je ensuite ? Triste spectre, sur quelle rive vas-tu errer et gémir ? Grèves immenses, hivers sans fin ! Il faut plus de courage pour franchir le seuil de la vie des passions et pour entrer dans le calme du désespoir que pour avaler la ciguë. Oh ! mes enfants, vous ne saurez jamais combien je vous aime. Pourquoi m'avez-vous réveillée, ô mon Dieu, quand je m'étendais avec résignation sur cette couche glacée ? Pourquoi avez-vous fait repasser devant moi ce fantôme de mes nuits brûlantes, ange de mort, amour funeste, ô mon destin, sous la figure d'un enfant blond et délicat ? Oh ! que je t'aime encore, assassin ! Que tes baisers me brûlent donc vite, et que je meure consumée ! Tu jetteras mes cendres au vent. Elles feront pousser des fleurs qui te réjouiront.»
    Voici le paroxysme du mal d'aimer ; nous touchons aux ultimes confins de la passion, tout près des régions de la folie : «O mes yeux bleus, vous ne me regarderez plus ! Belle tête, je ne te verrai plus t'incliner sur moi et te voiler d'une douce langueur. Mon petit corps souple et chaud, vous ne vous étendrez plus sur moi, comme Elisée sur l'enfant mort, pour me ranimer. Vous ne me toucherez plus la main, comme Jésus à la fille de Jaïre, en disant : «Petite fille, lève toi.»
     Adieu, mes cheveux blonds, adieu, mes blanches épaules, adieu, tout ce que j'aimais, tout ce qui était à moi. J'embrasserai maintenant, dans mes nuits ardentes, le tronc des sapins et les rochers dans les forêts en criant votre nom, et, quand j'aurai rêvé le plaisir, je tomberai évanouie

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