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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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et, dans un jour de colère, j'ai cherché un autre poison qui m'a achevée. Tu étais trop suave et trop subtil, mon cher parfum, pour ne pas t'évaporer chaque fois que mes lèvres t'aspiraient. Les beaux arbrisseaux de l'Inde et de la Chine plient sur une faible tige et se courbent au moindre vent. Ce n'est pas d'eux qu'on tirera des poutres pour bâtir des maisons. On s'abreuve de leur nectar, on s'entête de leur odeur, on s'endort et on meurt.»
    N'y a-t-il pas là toute l'ivresse d'un amour qui, en échange du don de ses tresses noires, demandait à Musset et obtenait de lui une mèche de ses cheveux blonds ? N'y a-t-il pas le délire de l'être livré à la frénésie des sens ? Comme Liszt prétendait un soir que Dieu seul méritait d'être aimé, elle répondit : «C'est possible, mais quand on a aimé un homme, il est bien difficile d'aimer Dieu.» Ou bien elle demandait des consultations sur l'amour, ici et là. Henri Heine lui dit qu'on n'aime qu'avec la tête et les sens, que le coeur n'est que pour bien peu dans l'amour. Madame Allart lui déclara qu'il faut ruser auprès des hommes et faire semblant de se fâcher pour les ramener. Enfin, Sainte-Beuve, qui avait été mêlé à toute cette série de brouilles et de raccommodements avec Alfred de Musset, questionné par elle sur ce que c'était que l'amour, en donna cette définition exquise : «Ce sont les larmes. Vous pleurez, vous aimez.»
    Si elle va au théâtre, en bousingot, les cheveux coupés, elle se trouve les yeux cernés, les joues creuses, l'air bête et vieux. Elle admire, au balcon, dans les loges, «toutes ces femmes blondes, blanches, parées, couleur de rose, des plumes, des grosses boucles de cheveux, des bouquets, des épaules nues.» Et elle s'écrie, la vibrante amoureuse : «Voilà, au-dessus de moi, le champ où Fantasio ira cueillir ses bluets !» Elle revient longuement, tristement, sur ses souvenirs de Venise, alors que, séparés déjà, il lui écrivait de Paris des lettres palpitantes de tendresse. «Oh ! ces lettres que je n'ai plus, que j'ai tant baisées, tant arrosées de larmes, tant collées sur mon coeur nu, quand l'autre ne me voyait pas !» Combien, en effet, il lui est devenu odieux, l'autre, le Pagello, sur qui elle est prête à reporter la responsabilité de ses fautes et de ses malheurs ! «Cet Italien, vous savez, mon Dieu, si son premier mot ne m'a pas arraché un cri d'horreur. Et pourquoi ai-je cédé, pourquoi, pourquoi ? Le sais-je ?» De ce crime involontaire elle est effroyablement punie. «Voilà dix semaines que je meurs jour par jour, et à présent, minute par minute ! C'est une agonie trop longue. Vraiment, toi, cruel enfant, pourquoi m'as-tu aimée, après m'avoir haïe ? Quel mystère s'accomplit donc en toi chaque semaine ?»
    Va-t-elle courir vers lui, le supplier encore, se traîner à ses pieds ? Elle en a une furieuse envie. «Je vais y aller, j'y vais !-Non.-Crier, hurler, mais il ne faut pas y aller. Sainte-Beuve ne veut pas.» Et elle reprend, comme si elle prononçait, à voix haute, sa confession publique : «Enfin, c'est le retour de votre amour à Venise qui a fait mon désespoir et mon crime.
    Pouvais-je parler ? Vous n'auriez plus voulu de mes soins, vous seriez mort de rage en les subissant. Et qu'auriez-vous fait sans moi, ma pauvre colombe mourante ? Ah ! Dieu, je n'ai jamais pensé un instant à ce que vous aviez souffert à cause de cette maladie et à cause de moi, sans que ma poitrine se brisât en sanglots. Je vous trompais, et j'étais là entre ces deux hommes, l'un qui me disait : «Reviens à moi, je réparerai mes torts, je t'aimerai, je mourrai sans toi !» et l'autre qui disait tout bas dans mon autre oreille : «Faites attention, vous êtes à moi, il n'y a plus à en revenir. Mentez, Dieu le veut. Dieu vous absoudra.»-Ah ! pauvre femme, pauvre femme, c'est alors qu'il fallait mourir.»
    Peut-être retournerait-il vers elle, le tendre enfant, le poète que Lamartine appellera «jeune homme au coeur de cire.» Mais il redoute le jugement des salons esthétiques et le blâme de M. Tattet, «qui dirait d'un air bête : «Dieu ! quelle faiblesse !» lui qui pleure, quand il est saoûl, dans le giron de mademoiselle Déjazet.» Ah ! elle regrette maintenant avec amertume les folies de Venise. Si elle avait su ! «Je me serais, s'écrie-t-elle avec frénésie, je me serais coupé une main, je te l'aurais présentée en te disant : «Voilà

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