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George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
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répondre à mon billet. On a dit que tu étais sorti, et tu n'es pas venu seulement passer cinq minutes avec moi. Tu es donc rentré bien tard, et où étais-tu, mon Dieu ? Hélas ! c'est bien fini, tu ne m'aimes plus du tout. Je te deviendrais abjecte et odieuse, si je restais ici. D'ailleurs, tu désires que je parte. Tu m'as dit l'autre jour, d'un air incrédule : «Bah ! tu ne partiras pas.» Ah ! tu es donc bien pressé ? Sois tranquille, je pars dans quatre jours, et nous ne nous reverrons plus. Pardonne-moi de t'avoir fait souffrir, et sois bien vengé ; personne au monde n'est plus malheureux que moi.»
    A son retour de Nohant, elle apprend que Musset est également rentré à Paris. Elle se rend chez lui ; la porte est close. Alors elle se retourne vers Sainte-Beuve, comme vers le guide, le sauveur, et lui écrit, le 25 novembre : «Voilà deux jours que je ne vous ai vu, mon ami. Je ne suis pas encore en état d'être abandonnée, de vous surtout qui êtes mon meilleur soutien. Je suis résignée moins que jamais. Je sors, je me distrais, je me secoue, mais en rentrant dans ma chambre, le soir, je deviens folle. Hier, mes jambes m'ont emportée malgré moi ; j'ai été chez lui. Heureusement je ne l'ai pas trouvé. J'en mourrai.» Elle allait, en effet, pleurer, sangloter, se morfondre à sa porte. Et il ne la recevait pas. Alors elle lui envoya un petit paquet qu'il ouvrit et qui contenait ses admirables nattes brunes, sa chevelure opulente, qu'elle avait coupée pour lui en faire don, comme mademoiselle de La Vallière à son Dieu, lors de cette vêture où s'émut la froideur majestueuse de Bossuet. Devant un pareil sacrifice, suprême abnégation féminine, le poète ne pouvait demeurer insensible. Ils se revirent, mais quel lugubre crépuscule d'amour ! Nous en apercevons toute la mélancolie à travers le Journal de George Sand : «Si j'allais casser le cordon de sa sonnette jusqu'à ce qu'il m'ouvrît la porte ? Si je m'y couchais en travers jusqu'à ce qu'il passe ? Si je me jetais-non pas à ses pieds, c'est fou après tout, car c'est l'implorer, et certes il fait pour moi ce qu'il peut, il est cruel de l'obséder et de lui demander l'impossible-mais si je me jetais à son cou, dans ses bras, si je lui disais : «Tu m'aimes encore, tu en souffres, tu en rougis, mais tu me plains trop pour ne pas m'aimer. Tu vois bien que je t'aime, que je ne peux aimer que toi.
    Embrasse-moi, ne me dis rien, ne discutons pas ; dis-moi quelques douces paroles, caresse-moi, puisque tu me trouves encore jolie malgré mes cheveux coupés, malgré les deux grandes rides qui se sont formées depuis l'autre jour sur mes joues. Eh bien ! quand tu sentiras ta sensibilité se lasser et ton irritation revenir, renvoie-moi, maltraite-moi, mais que ce ne soit jamais avec cet affreux mot dernière fois ! Je souffrirai tant que tu voudras, mais laisse-moi quelquefois, ne fût-ce qu'une fois par semaine, venir chercher une larme, un baiser qui me fasse vivre et me donne du courage.» Elle adjure la Providence d'intervenir, de la protéger, de la sauver. Volontiers elle demanderait un miracle : «Ah ! il a tort, n'est-ce pas ? mon Dieu, il a tort de me quitter à présent que mon âme est purifiée et que, pour la première fois, une volonté sévère s'est arrêtée en moi... Cet amour pourrait me conduire au bout du monde. Mais personne n'en veut, et la flamme s'éteindra comme un holocauste inutile. Personne n'en veut !... Ah ! mais on ne peut pas aimer deux hommes à la fois. Cela m'est arrivé. Quelque chose qui m'est arrivé ne m'arrivera plus.»
    Elle en donne alors une explication qui paraît véridique et où tressaille toute l'angoisse de la passion, au moment où elle voit disparaître irréparablement son bonheur : «Est-ce que je ne souffre pas des folies ou des fautes que je fais ? Est-ce que les leçons ne profitent pas aux femmes comme moi ? Est-ce que je n'ai pas trente ans ? Est-ce que je ne suis pas dans toute ma force ? Oui, Dieu du ciel, je le sens bien, je puis encore faire la joie et l'orgueil d'un homme, si cet homme veut franchement m'aider. J'ai besoin d'un bras solide pour me soutenir, d'un coeur sans vanité pour m'accueillir et me conserver.
    Si j'avais trouvé cet homme-là, je n'en serais pas où j'en suis. Mais ces hommes-là sont des chênes noueux, dont l'écorce repousse. Et toi, poète, belle fleur, j'ai voulu boire ta rosée. Elle m'a enivrée, elle m'a empoisonnée,

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