Bücher online kostenlos Kostenlos Online Lesen
George Sand et ses amis

George Sand et ses amis

Titel: George Sand et ses amis Kostenlos Bücher Online Lesen
Autoren: Albert le Roy
Vom Netzwerk:
raconte une manière de rêve, une hallucination symbolique : «Moi, je me disais : Voilà ce que je ferai ; je la prendrai avec moi pour aller dans une prairie, je lui montrerai les feuilles qui poussent, les fleurs qui s'aiment, le soleil qui réchauffe tout dans l'horizon plein de vie ; je l'asseoirai sur du jeune chaume, elle écoutera et elle comprendra bien ce que disent tous ces oiseaux, toutes ces rivières, avec les harmonies du monde ; elle reconnaîtra tous ces milliers de frères, et moi pour l'un d'entre eux.
    Elle me pressera sur son coeur, elle deviendra blanche comme un lis, et elle prendra racine dans la sève du monde tout-puissant.»
    Un autre jour, il envoie, encore à la veille de partir, ces deux lignes sans signature : «Senza veder, e senza parlar, toccar la mano d'un pazzo che parte domani (sans se voir, sans se parler, serrer la main d'un fou qui part demain).» Elle lui répond, et c'est la lettre qui pose la pierre tombale sur leur amour, à la fin de février : «Non, non, c'est assez, pauvre malheureux, je t'ai aimé comme un fils, c'est un amour de mère, j'en saigne encore. Je te plains, je te pardonne tout, mais il faut nous quitter. J'y deviendrais méchante. Tu dis que cela vaudrait mieux, et que je devrais te souffleter quand tu m'outrages. Je ne sais pas lutter. Dieu m'a faite douce, et cependant fière. Mon orgueil est brisé à présent, et mon amour n'est plus que de la pitié. Je te le dis, il faut en guérir. Sainte-Beuve a raison. Ta conduite est déplorable, impossible ! Mon Dieu, à quelle vie vais-je te laisser ! l'ivresse, le vin ! les filles, et encore et toujours ! Mais, puisque je ne peux plus rien pour t'en préserver, faut-il prolonger cette honte pour moi et ce supplice pour toi-même ? Mes larmes t'irritent, ta folle jalousie à tout propos, au milieu de tout cela ! Plus tu perds le droit d'être jaloux, plus tu le deviens ! Cela ressemble à une punition de Dieu sur ta pauvre tête. Mais mes enfants à moi, oh ! mes enfants, mes enfants, adieu, adieu, malheureux que tu es, mes enfants, mes enfants !» Dans cette crise de lassitude amoureuse ou d'angoisse maternelle, elle exécuta la résolution dont il parlait toujours, sans l'accomplir. Ce fut elle qui se déroba clandestinement, en brisant la chaîne trop lourde.
    Le 6 mars, elle écrit à Jules Boucoiran, complice de son évasion : «Mon ami, aidez-moi à partir aujourd'hui. Allez au courrier à midi et retenez moi une place. Puis venez me voir. Je vous dirai ce qu'il faut faire. Cependant, si je ne peux pas vous le dire, ce qui est fort possible, car j'aurai bien de la peine à tromper l'inquiétude d'Alfred, je vais vous l'expliquer en quatre mots. Vous arriverez à cinq heures chez moi et, d'un air empressé et affairé, vous me direz que ma mère vient d'arriver, qu'elle est très fatiguée et assez sérieusement malade, que sa servante n'est pas chez elle, qu'elle a besoin de moi tout de suite et qu'il faut que j'y aille sans différer. Je mettrai mon chapeau, je dirai que je vais revenir et vous me mettrez en voiture. Venez chercher mon sac de nuit dans la journée. Il vous sera facile de l'emporter sans qu'on le voie et vous le porterez au bureau. Adieu, venez tout de suite, si vous pouvez. Mais si Alfred est à la maison, n'ayez pas l'air d'avoir quelque chose à me dire. Je sortirai dans la cuisine pour vous parler.»
    Il en fut comme il était convenu. Trois jours après, le 9 mars, elle écrit à Boucoiran, de Nohant où elle va pour la quatrième fois depuis son retour de Venise : «J'ai fait ce que je devais faire. La seule chose qui me tourmente, c'est la santé d'Alfred. Donnez-moi de ses nouvelles, et racontez-moi, sans y rien changer et sans en rien atténuer, l'indifférence, la colère ou le chagrin qu'il a pu montrer en recevant la nouvelle de mon départ.» Et, dans un autre passage de la même lettre : «Je vais me mettre à travailler pour Buloz. Je suis très calme.» Elle n'était point aussi calme qu'elle le veut dire ; car elle eut une crise hépatique qui lui couvrit tout le corps de taches et la mit en danger de mort.
    Puis le travail la reprit et l'absorba, tandis que Musset cherchait l'oubli dans ses plaisirs habituels, le vin et les filles. Le drame intime est terminé ; la littérature reconquiert ses droits. George Sand orientera sa vie vers d'autres pensées et d'autres désirs. Alfred de Musset, en ses jours de répit, épanchera ses souvenirs et ses

Weitere Kostenlose Bücher